Diaz-Canel : au nom des peuples que nous représentons, faisons respecter leurs voix
Excellences,
Chers délégués et invités,
Soyez tous bienvenus à Cuba, la terre de José Marti, à qui nous devons cette belle idée que la La patrie, c’est l’humanité
Je vous remercie d’avoir accepté l’invitation qui nous réunit aujourd’hui pour défendre l’avenir des grandes majorités qui forment le gros de ce grand et unificateur concept que représente l’Humanité.
Comme l’a annoncé le ministre des Relations extérieures il y a peu, c’est un Sommet austère et j’espère que vous excuserez les carences auxquelles vous pourriez vous heurter. Cuba est littéralement encerclée par un blocus, aujourd’hui renforcé, de plus de six décennies et par toutes sortes de difficultés qui en découlent.
Nous nous heurtons également, bien entendu, aux défis colossaux qui sont la conséquence de l’ordre international injuste en vigueur, mais nous ne sommes pas les seuls. Voilà près de 60 ans, ce fut le partage de difficultés et l’espoir que nous pourrions leur faire face ensemble et les vaincre qui nous ont fait naître en tant que groupe. Nous sommes les 77 plus la Chine ! Et nous sommes plus !
Comme vous pourrez le constater durant ces journées, nous manquons de bien des choses, mais nous avons suffisamment des sentiments d’amitié, de solidarité et de fraternité, ainsi que de volonté pour faire en sorte que vous sentiez en famille. Vous êtes tous chez vous !
Soyez assurés également que nous ferons tout pour que nos délibérations aboutissent à des résultats tangibles, dans le climat de solidarité et de coopération qui rend encore possible toute mission collective.
Le Groupe des 77 plus la Chine a l’immense responsabilité de représenter sur la scène internationale les intérêts de la majorité des nations de la planète. Pour des raisons historiques et identitaires, nous avons conservé son nom original, mais nous sommes plus, bien plus que 77 pays. Aujourd’hui, nous sommes 134, soit plus des deux tiers des États membres des Nations unies (ONU), où vit 80 % de la population mondiale.
Nous réunir à un sommet nous offre l’occasion de délibérer collectivement et au plus haut niveau politique afin de conjuguer nos efforts pour défendre les intérêts de ces majorités. Cela nous aide aussi à concilier des positions face aux enjeux actuels en vue du développement et du bien-être de nos peuples. Mais cela nous impose aussi des questionnements.
Après quelques 60 ans de batailles diplomatiques, dans la très difficile et vaine tentative, de transformer les règles injustes et anachroniques qui régissent les relations économiques internationales, il convient de rappeler les appels lancés par nos leaders historiques à démocratiser l’Organisation des Nations unies, les avertissements de Fidel Castro : « Demain, il sera trop tard ! » et une phrase inoubliable du commandant Hugo Chavez lorsqu’il disait: « Nous, les présidents, nous allons de sommet en sommet et nos peuples d’abîme en abîme ! »
Le dirigeant bolivarien plaidait pour des réunions réellement utiles d’où pourraient émaner des bénéfices concrets pour les peuples qui attendent des solutions, au bord de l’abîme où nous a entraînés l’égoïsme de ceux qui, depuis des siècles, se partagent le gâteau et nous laissent les restes…
Ce Sommet se déroule à un moment où l’Humanité a atteint un potentiel scientifique et technique inimaginable depuis deux décennies, avec une capacité extraordinaire à créer de la richesse et du bien-être qui, dans des conditions de plus d’égalité, d’équité et de justice, pourraient garantir de niveaux de vie dignes, confortables et durables pour presque tous les habitants de la planète.
Si nous colorons l’espace occupé par les pays membres du Groupe sur une carte, nous verrons deux forces que nul ne dépasse : nous sommes plus et nous sommes plus divers ! Le Sud existe, disent les vers du poète uruguayen Mario Benedetti. Après tout le temps que le Nord a eu pour accommoder le monde à ses intérêts, au détriment de ceux des autres, c’est au tour du Sud désormais de changer les règles du jeu.
« C’est l’heure des brasiers, où l’on ne doit voir que la lumière », disait José Marti. Pour avoir été – nous, la grande majorité des membres du Groupe des 77 – les principales victimes de l’actuelle crise économique multidimensionnelle dont souffre le monde, des désajustements cycliques du commerce et des finances internationaux, de l’échange inégal et abusif, de l’écart scientifique, technologique et au niveau du savoir, des effets du changement climatique et du danger de destruction progressive et d’épuisement des ressources naturelles dont dépend la vie sur notre planète, nous exigeons dès maintenant, et de plein droit, la démocratisation en suspens du système des relations internationales.
Ce sont les peuples du Sud qui souffrent le plus de la pauvreté, de la faim, de la misère, de la mort due à des maladies guérissables, de l’analphabétisme, des déplacements humains forcés et d’autres conséquences du sous-développement. Beaucoup de nos nations sont dites pauvres, alors qu’en réalité, on devrait les considérer comme des nations appauvries. Et il faut inverser cette condition dans laquelle nous ont plongés des siècles de dépendance coloniale et néocoloniale, parce que ce n’est pas juste et parce que le Sud ne supporte plus désormais le poids mort de tous les malheurs.
Ceux qui ont bâti des cités éblouissantes grâce aux ressources, à la sueur et au sang des nations du Sud souffrent déjà, et ils souffriront davantage désormais, des conséquences des déséquilibres économiques et sociaux que le pillage a permis, parce que nous voyageons à bord du même navire, bien que certains soient des passagers VIP et d’autres à leurs services.
La seule voie valable pour que ce navire-monde ne connaisse pas le sort du Titanic, c’est la coopération, la solidarité, la philosophie africaine de l’Ubuntu, qui comprend le progrès humain sans exclusions, où la douleur et l’espoir de chacun sont la douleur et l’espoir de tous.
Excellences,
Nous avons proposé comme thème de ce Sommet le rôle de la science, de la technologie et de l’innovation, en tant que composantes essentielles du débat politique associé au développement.
Nous le faisons, forts de la conviction que ce sont les acquis et les avancées dans ce domaine qui diront, en dernier ressort, s’il est possible, et quand, d’atteindre les Objectifs de développement durable relatifs à l’élimination de la pauvreté ; la « faim zéro » dans le monde; la santé et le bien-être; l’éducation de qualité; l’égalité de genre ; l’eau salubre et l’assainissement ; la solution des problèmes de l’énergie ; le travail ; la croissance économique; l’industrialisation et la justice sociale.
Je suis absolument convaincu qu’il ne sera pas non plus possible de progresser vers un mode de vie durable, en harmonie avec les conditions naturelles qui garantissent la vie sur la planète sans ces prémisses. Et il est évident que le processus transformateur visant la réalisation de ces objectifs prévoit, d’une manière ou d’une autre, le rôle du savoir en tant que générateur de science, de technologie et d’innovation.
Il faut abattre dès maintenant les barrières internationales qui ont entravé l’accès au savoir aux pays en développement et la mise à profit par ceux-ci de facteurs aussi déterminants pour la progression économique et sociale.
Je parle de barrières intimement associées à un ordre économique international injuste et insoutenable, qui perpétue des conditions de privilège pour les pays développés et relègue à des conditions de sous-développement la plus grande partie de l’Humanité.
Si nous ne traitons pas ces questions, il nous sera absolument impossible d’accéder au développement durable auquel nous avons tous droit, peu importe le nombre de cibles que nous nous fixerons. Il ne sera pas possible non plus de combler l’immense fossé qui nous sépare des conditions de vie privilégiées d’un segment réduit de la population de la planète, ni réduire le sous-développement qui s’accentue parmi les grandes majorités. Nous ne pourrons pas non plus espérer atteindre un monde de paix, d’où disparaîtront les guerres et les conflits armés sous toutes leurs formes.
La science, la technologie et l’innovation jouent un rôle capital dans la promotion de la productivité, de l’efficience, la création de valeur ajoutée, l’humanisation des conditions de travail, l’impulsion du bien-être et dans la garantie du développement humain.
Nous sommes face à la plus grande révolution scientifique et technique que l’Humanité a connue. La science a modifié le cours même de la vie. L’être humain a été capable de connaître l’espace sidéral et de mettre au point des machines sophistiquées qui automatisent jusqu’aux processus les plus élémentaires liés à son existence.
L’Internet a effacé les limites spatiales et temporelles. Le développement technologique a permis de connecter le monde et d’éliminer d’un clic des milliers de kilomètres de distance. Il a multiplié les capacités d’enseignement et d’apprentissage, accéléré les processus de recherche et doté le genre humain de capacités insoupçonnées pour améliorer les conditions de vie. Mais ces possibilités ne sont pas à la portée de tous.
À cet égard, L’ONUDI a souligné que la création et la diffusion des technologies de production numérique avancée restent concentrées à l’échelle mondiale, avec un développement très faible dans la plupart des économies du Sud. Dix économies – à la pointe des technologies avancées – détiennent à elles seules 90 % de tous les brevets mondiaux et 70 % du total des exportations qui leurs sont associées.[1].
Loin de se convertir en instruments pour combler le fossé du développement et de contribuer à surmonter les injustices qui menacent la destinée même de l’Humanité, elles tendent à devenir des armes pour creuser cet écart, soumettre la volonté de beaucoup de gouvernements et protéger le système d’exploitation et de pillage qui, durant plusieurs siècles, a alimenté la richesse des anciennes puissances coloniales et relégué nos nations à un rôle subalterne.
Cela explique pourquoi, en plein milieu du développement scientifique et technique le plus colossal de tous les temps, le monde ait reculé de trois décennies en matière de réduction de la pauvreté extrême, et que l’on enregistre des niveaux de famine inconnus depuis 2005.
Ce qui explique pourquoi, dans les pays du Sud, plus de 84 millions d’enfants ne sont toujours pas scolarisés et plus de 600 millions de personnes vivent sans électricité, pourquoi seuls 36 % de la population mondiale utilisent l’Internet dans les pays les moins avancés et dans les nations en développement sans littoral, face à 92 % dans les pays développés.
Veuillez noter que le prix moyen d’un téléphone intelligent représente à peine 2 % du salaire moyen per capita en Amérique du Nord, alors que ce chiffre s’élève à 53 % en Asie du Sud et à 39 % en Afrique subsaharienne. On ne saurait parler sérieusement, d’avancée technologique ou d’accès équitable aux communications, devant de telles réalités.[2].
La transition énergétique se déroule aussi dans des conditions de profonde inégalité qui tend à se perpétuer. La disparité dans la consommation énergétique entre les pays développés – 167,9 GJ/habitant par an – et les pays en développement – 56,2 GJ/habitant par an – est la conséquence de l’écart économique et social existant et aussi la raison pour laquelle cet écart continue à croître. La consommation d’électricité par habitant dans les pays de l’OCDE est 2,38 fois supérieure à la moyenne mondiale et 16 fois supérieure à celle de l’Afrique subsaharienne.[3].
Une partie importante des maladies, les plus fréquentes dans les pays en développement, sont celles qui sont prévisibles et/ou traitables. L’Organisation mondiale de la santé [4] a signalé dans son Rapport sur la santé mondiale que huit millions de personnes meurent prématurément chaque année de maladies et d’affections que l’on peut soigner. Ces décès représentent environ un tiers de tous les décès enregistrés chaque année dans le monde.
Nous avons le devoir de tenter de changer les règles du jeu, et nous n’y parviendrons que si nous nous mobilisons dans une action conjointe.
Nous nous efforçons tous, ou presque tous, d’attirer les investissements étrangers directs comme composante nécessaire de notre développement et de la gestion de nos économies. Parfois nous atteignons l’objectif qu’ils soient accompagnés d’un certain transfert de technologie.
Mais nous savons que, dans la plupart des cas, ces investissements ne s’accompagnent pas d’un transfert de savoirs ni d’une aide à la création de capacités. Cela explique pourquoi les pays en développement se situent aux maillons les plus bas des chaînes de valeur mondiales et que leurs recherches en matière de santé, d’alimentation, d’environnement et autres sont très limitées ou souffrent d’une dévaluation systématique.
Ce phénomène s’accompagne du drainage de talents, que l’on appelle communément « vol de cerveaux », à savoir, la pratique des pays les plus développés grâce à laquelle ils tirent profit de la formation et des connaissances de professionnels que les pays en développement forment avec beaucoup d’efforts, souvent sans le moindre soutien des nations les plus riches.
Il s’agit d’un drainage massif et d’une contribution financière notable des pays en développement aux pays riches, bien supérieure, en fait, à l’Aide publique au développement, sur la base d’un flux migratoire qui a des conséquences dévastatrices pour les pays sous-développés.
Une autre réalité est la tendance à tout breveter. Il s’agit d’une pratique qui remplit les caisses des grandes entreprises transnationales dans les pays les plus puissants et qui fragilise les autres économies. Ainsi, le processus de privatisation galopante du savoir contribue à creuser l’écart et limite l’accès au développement.
On exerce des pressions sur les pays en développement pour qu’ils introduisent des lois protégeant les droits de propriété intellectuelle, et on oublie à dessein que de nombreux pays industrialisés se sont développés précisément en piratant des produits et des technologies hors de leurs frontières géographiques, notamment dans les pays qui sont aujourd’hui en développement.
Les demandes de brevets ont continué d’augmenter, y compris en pleine pandémie, en 2020, de 1,5 % et sont montées en flèche en 2021 avec une croissance de 3,6 %. Les technologies associées à la santé ont continué d’enregistrer la croissance la plus rapide entre tous les secteurs. En 2021, les demandes de marques commerciales se sont élevées à 3,4 millions dans le monde, soit 5,5 % de plus qu’en 2020. Cependant, elles ont été inégales par région. L’Asie en a enregistré les deux tiers, 67,6 % de toutes les demandes présentées, notamment en raison de la croissance de la Chine, et l’Amérique du Nord 18,5 %, tandis que l’Europe avec 10,5 % ; l’Afrique : 0,6 %, l’Amérique latine et les Caraïbes : 1,6 % et l’Océanie : 0,6 % ont représenté les pourcentages les plus bas du total des demandes.[5].
L’écart entre les genres en matière d’innovation persiste. LE personnel consacré à la recherche a connu une croissance trois fois supérieure, 13,7%, à celle de la population mondiale, 4,6 %, durant la période 2014-2018[6]. Cependant, seulement un tiers des chercheurs sont des femmes. Selon l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, les hommes continuent de représenter la grande majorité des personnes associées aux inventions brevetées dans le monde. Seul 17 % des personnes considérées comme inventeurs dans les demandes internationales de brevets étaient des femmes en 2021[7].
La privatisation du savoir met des limites à la circulation et à la recombinaison de ce dernier. Elle pose des limitations au progrès et aux solutions scientifiques des problèmes. Elle constitue une barrière significative pour le développement et le rôle que doivent y jouer la science, la technologie et l’innovation. Elle aggrave les conditions sociales et économiques des pays en développement.
Il suffit de signaler qu’en plein milieu de la pire pandémie que l’Humanité ait connue, dix fabricants ont monopolisé à eux seuls 70 % de la production de vaccins contre la Covid-19[8].La pandémie a mis en évidence, avec un réalisme cru, le coût de l’exclusion scientifique et numérique, qui a coûté des vies et creusé les distances entre le Nord et le Sud.
Résultat, les pays en développement n’ont eu accès qu’à 24 doses de vaccins pour 100 habitants, tandis que les pays les plus riches disposaient de presque 150 doses pour 100 habitants [9]. Face à l’appel à multiplier la solidarité et à écarter les dissensions, le monde a fini par devenir absurdement encore plus égoïste.
L’Organisation mondiale de la santé a énoncé le syndrome bien connu du 90/10, selon lequel 90 % des ressources de la recherche en santé sont consacrés à des maladies qui causent 10 % de la mortalité et de la morbidité, alors que celles qui en provoquent 90 % ne disposent que de10 % des ressources[10].
Après la pandémie, nos pays ont dû traverser des circonstances extrêmement complexes, auxquelles ils sont durement confrontés encore aujourd’hui pour se remettre à flot.
Lorsque les nations du Sud ont fait appel aux marchés financiers, elles ont été confrontées à des taux d’intérêt parfois huit fois supérieurs à ceux des pays développés[11]. Environ un cinquième des économies en développement a utilisé plus de 15 % de ses réserves internationales de devises pour amortir la pression sur les monnaies nationales [12].
En 2022, 25 nations en développement ont dû consacrer plus du cinquième de leurs revenus totaux au service de la dette publique extérieure[13], ce qui équivaut à une nouvelle forme d’exploitation.
Les dépenses mondiales en recherche et développement ont augmenté de 19,2 % entre 2014 et 2018, dépassant le rythme de croissance de l’économie mondiale de 14,6 %. Cependant, elles restent extrêmement concentrées, puisque 93 % proviennent des pays membres du G-20 [14].
Les ressources nécessaires à une solution de fond de ces problèmes existent. Rien qu’en 2022, les dépenses militaires mondiales ont ateint le chiffre record de 2,24 billions de dollars, autrement dit, des millions de millions de dollars [15]. Que ne pourrait-on pas faire avec de telles ressources au bénéfice du Sud ?
Parvenir à la participation universelle et inclusive à l’économie numérique exigera d’investir dans nos pays un minimum de 428 milliards de dollars d’ici 2030[16], une exigence qui peut être couverte avec à peine 19 % des dépenses militaires mondiales[17].
Or, il semblerait que le Sud soit voué à vivre des miettes que le système actuel lui réserve. Le soutien financier du Fonds monétaire international aux pays les moins avancés et à ceux à bas revenus n’a pas dépassé, de 2020 à fin novembre 2022[18], l’équivalent de ce que l’entreprise Coca-Cola a dépensé seulement pour la publicité de sa marque au cours de ces huit dernières années[19].
En attendant, moins de 2 % de l’Aide publique au développement, déjà déficiente, a été consacrée à des capacités en science, technologie et innovation[20].
Selon certaines estimations, 9 % des dépenses militaires mondiales permettraient de financer en dix ans l’adaptation au changement climatique, tandis que 7 % suffiraient à couvrir les dépenses de la vaccination universelle contre la pandémie[21].
Une architecture financière internationale qui pérennise de telles disparités et oblige le Sud à immobiliser des ressources financières et à s’endetter pour se protéger de l’instabilité que génère le système lui-même, qui remplit les poches des riches aux dépens des réserves des 80 % les plus pauvres[22], est, sans aucun doute, une architecture hostile au progrès de nos nations. Elle doit être démolie si nous aspirons réellement à ouvrir la voie du développement de la grande masse des nations réunies ici.
Excellences,
Renverser définitivement les modèles de recherche qui se limitent aux environnements culturels et aux perspectives du Nord et qui privent la communauté scientifique internationale d’un capital intellectuel considérable, doit être notre tâche prioritaire.
Cette tendance impose une prémisse à nos nations : récupérer d’urgence la confiance dans l’élément le plus dynamisant de nos sociétés : l’être humain et son activité créatrice.
Dans cet effort, la création de capacités est un élément clé pour concrétiser les promesses que la science, la technologie et l’innovation impliquent pour le développement durable.
En ce sens, nous reconnaissons le mérite de l’Initiative pour le développement mondial lancée par Xi Jinping, président de la République populaire de Chine. Il s’agit d’une proposition inclusive, cohérente avec la nécessité d’un nouvel ordre international juste et équitable qui situe le développement basé sur le savoir là où il doit être, au cœur des priorités du système international.
Bien que pays en développement et aux prises avec de graves difficultés économiques, Cuba dispose de capacités scientifiques que l’on ne saurait sous-estimer et qui font partie de l’héritage que nous a légué le leader historique de la Révolution cubaine, le commandant en chef Fidel Castro Ruz qui, en précurseur, a identifié dans ce domaine une source de stimulation du développement.
Nous disposons d’un système de gestion de gouvernement, basé sur la science et l’innovation, qui est devenu une force importante pour préserver notre souveraineté, avec sa meilleure expression dans la création de nos propres vaccins cubains contre la Covid-19.
Toutefois, pour Cuba, connecter le savoir à la solution des problèmes de développement constitue une tâche de géant, parce que ces efforts doivent être réalisés au milieu d’un blocus économique, commercial et financier impitoyable qui se traduit par de notables limitations de nos ressources.
Pour ne citer qu’un seul exemple : par décision politique du gouvernement des États-Unis, de nombreux sites sur le réseau consacrés au savoir et à la science sont spécifiquement bloqués pour les chercheurs cubains.
Ce n’est pas le lieu pour m’étendre sur l’impact que le criminel blocus économique des États-Unis a sur notre économie, sur notre progrès scientifique et technique et sur notre développement, avec un coût humanitaire qui devient visible. Mais je me dois de l’identifier comme un obstacle fondamental, en dépit duquel et sur la base d’une volonté politique inébranlable, Cuba a eu la capacité d’obtenir des résultats indiscutables en science et en innovation.
Je vous invite à discuter durant ces journées des enjeux du développement de nos nations, des injustices qui nous écartent du progrès mondial, mais aussi de la valeur de notre unité et de notre riche capital de connaissances.
Orientons nos réflexions vers la recherche de consensus, de stratégies, de tactiques et de formes de coordination. Mettons sur la table tout notre héritage, renforçons les synergies. Montrons la valeur et le savoir-faire du Sud face à ceux qui prétendent nous présenter comme une masse amorphe en quête de charité ou d’assistance.
Rappelons-nous que nombre des singulières nations que représente le Groupe des 77 plus la Chine ont écrit des pages impressionnantes de créativité et d’héroïsme dans l’histoire de l’Humanité, avant que la colonisation et le pillage n’aient appauvri les destinées d’une partie d’entre elles.
Retrouvons cet esprit de lutte, le savoir traditionnel, la pensée créatrice et la sagesse collective. Luttons pour notre droit au développement, qui est également le droit d’exister en tant qu’espèce.
Ce n’est qu’ainsi que nous serons en mesure de participer à la révolution scientifique et technique sur un pied d’égalité. Ce n’est qu’ainsi que nous serons capable d’occuper la place qui nous revient dans ce monde où on prétend nous reléguer à la condition d’humbles fournisseurs de richesses pour des minorités. Remplissons ensemble la noble mission de compléter ce monde, de l’améliorer, de le rendre plus juste et plus rationnel, sans que la menace permanente de disparaître ne pèse sur nos rêves.
Excellences,
Voilà 23 ans, lors d’une réunion similaire à celle-ci, le leader historique de la Révolution cubaine, Fidel Castro, avait affirmé : « Pour le Groupe des 77, l’heure actuelle ne peut pas être celle des prières aux pays développés, de la soumission, du défaitisme ou des divisions internes, mais du sauvetage de notre esprit de lutte, de l’unité et de la cohésion autour de nos demandes.
« Ils nous ont promis voilà cinquante ans qu’un jour il n’y aurait plus d’abîme entre les pays développés et les pays sous-développés. Ils nous ont promis du pain et de la justice et aujourd’hui il y a de moins en moins de pain et moins de justice. »
L’actualité de ces paroles pourraient s’interpréter comme un échec face à ce que ce Groupe se proposait et qu’il n’a pas réussi à résoudre. Je vous demande de les prendre comme une confirmation du long chemin que nous avons parcouru ensemble et de tous les droits qui sont les nôtres d’exiger les changements en attente.
En hommage à ceux qui ont cru et qui ont fondé, au nom des peuples que nous représentons, faisons respecter leurs voix et leurs revendications !
Nous sommes plus ! Et nous vaincrons !
Je vous remercie. (Applaudissements
Notes:
[1] ONUDI (Organisation des Nations Unies pour le développement industriel) (2019). Rapport sur le développement industriel 2020. L'industrialisation à l'ère du numérique. Résumé. Vienne, ONUDI ID/449.https://www.unido.org/sites/default/files/files/2019-11/UNIDO_IDR2020-Sp....
[2] Guterres, A. (2023). Avant-propos. Rapport sur les politiques de Notre agenda commun 5: Un pacte numérique mondial – Un avenir numérique ouvert, libre et sûr pour tous, mai, https://www.un.org/sites/un2.un.org/files/our-common-agenda-policy-brief...,)
[3] Agence internationale de l'Énergie (AIE) (Statistiques de l'AIE © OCDE/AIE, jea.org/stats/index.asp) ; Statistiques et bilans énergétiques pour les pays non membres de l'OCDE ; Statistiques énergétiques pour les pays de l'OCDE ; et Bilans énergétiques pour les pays de l'OCDE. https://datos.bancomundial.org/indicator/EG.USE.ELEC.KH.PC).
[4] Organisation mondiale de la santé (2004) : 10/90 Rapport sur la recherche en santé 2003-2004 2004. 282 pages. ISBN 2-940286-16-7
http://www.globalforumhealth.org/Site/002__What%20we%20do/005__Publicati...)
[5] OMPI (2022). Indicateurs mondiaux de la propriété intellectuelle 2022, Genève, Suisse, ISBN : 978-92-805-3463-4 (en ligne), ISSN : 2709-5207 (en ligne). https://www.wipo.int/edocs/pubdocs/en/wipo-pub-941-2022-en-world-intelle....
[6] UNESCO (2021). La course contre la montre pour un développement plus intelligent, 11 juin, https://www.unesco.org/reports/science/2021/es.
[7] Pour plus de détails, voir : https://amiif.org/mujeres-y-propiedad-intelectual-aceleracion-de-la-inno... (consulté le 3 juillet 2023).
[8] Données obtenues sur le site officiel des Nations unies, https://news.un.org/es/story/2022/11/1516737.
[9] Données extraites du Rapport « Financement du développement durable 2022 : combler le déficit de financement), par le Groupe de travail interinstitutions sur le financement du développement.
[10] Luchetti, M. (2014). La santé mondiale et le fossé 10/90. British Journal of Medical Practitioners, 7(4), 4.
[11] Données tirées de l'avant-propos du Secrétaire général des Nations unies au rapport sur les Objectifs de développement durable 2023.
[12] Rapport sur le Financement du développement durable 2023, Nations unies.
[13] Rapport sur le Financement du développement durable 2023, Nations unies.
[14] UNESCO (2021). La course contre la montre pour un développement plus intelligent, 11 juin, https://www.unesco.org/reports/science/2021/es.
[15] Données tirées du rapport Trends in World Military Expenditure 2022 du SIPRI.
[16] Rapport 2022 sur le financement du développement durable, Nations unies.
[17] Donnée calculée sur la base du chiffre des dépenses militaires en 2022 et de l'estimation des investissements nécessaires dans l'économie numérique.
[18] Rapport sur le Financement du développement durable, 2023, Nations unies, 32,3 milliards de dollars américains.
[19] Données obtenues sur le site Statista à partir d'informations publiées par la société Coca Cola. https://es.statista.com/estadisticas/1292278/coca-cola-co-inversion-publ... (Entre 2015 et 2022, les dépenses publicitaires de la société se sont élevées à 31,491 milliards de dollars).
[20] Données tirées du Rapport «Technologie et innovation 2023 » de la CNUCED.
[21]OXFAM (2023) : 2023 Rapport parallèle de 2023 sur le Financement climatique DOI : 10.21201/2023.621500) www.oxfam.org.
[22] Il s'agit de la population représentée par le Groupe des 77 plus la Chine.