Che Guevara, Sénégal, indépendance et Afrique

(Dakar, le 8 octobre 2022) On dit que dans la chaleur de ces premières années de l'indépendance sénégalaise, les échos de la Révolution cubaine ont atteint l'Afrique avec des idéaux de liberté, d'égalité et de fraternité. Sa force a dépassé même les paradigmes hérités de la Révolution française de 1789. On entendait parler de Cuba, de Fidel, d'une île dont l'exemple allait évoluer jusqu'à atteindre des niveaux impensables, et d'un Argentin courageux qui avait rejoint la cause au Mexique, était arrivé avec le Granma, et avait dirigé en tant que commandant l'une des unités qui avaient le plus d'impact sur le triomphe du 1er janvier 1959.

Le Sénégal est libre en 1960 et lorsque, cinq ans plus tard, Ernesto Guevara fait ses adieux à Fidel dans la lettre mémorable lue en public le 3 octobre, son nom entame la transition vers le mythe. Comme le disent les plus anciens : "Nous avons appris à chanter Hasta Siempre Comandante, en espagnol parfait. Ce n'était pas les Beatles, ni les Rolling Stones. C'était Carlos Puebla", dit le septuagénaire M. Badará, en entonnant un fragment de "Ici demeure la transparence claire et attachante de votre présence bien-aimée, le Comandante Che Guevara".

Le jour fatal d'octobre 1967 à La Higuera, en Bolivie, ces mêmes jeunes Sénégalais ont pleuré en silence. Les musulmans, dans leur grande majorité, ont pleuré la mort d'un guerrier qui, à bien des égards, entrait dans l'éternité et qui, deux ans auparavant seulement, avait tenté de renverser la situation au Congo.

Et il ne manquait pas de catholiques qui, impressionnés par la photo fatidique du Che mort reproduite par les médias, le comparaient au Christ, barbu et marqué par la fureur de ses assassins. "Il ressemblait à un Jésus prêt à ouvrir les yeux et à se mettre à marcher à tout moment. Je n'oublierai jamais cette photo", nous a dit Madame Aminata, en tendant la main pour nous offrir une poignée de cacahuètes grillées provenant de son étalage de rue.

Le Che avait compris que les événements sur le soi-disant "continent noir" avaient un ferment révolutionnaire plus important que ce que beaucoup en Occident pensaient. L'Algérie, la Guinée, le Mali et le Congo-Brazzaville lui ont montré que le dynamisme et le militantisme des nouvelles vagues de révolutionnaires méritaient son attention et ses sacrifices. Se tourner vers les États-Unis était toujours un risque, et face à cela, il n'y avait pas de place pour le compromis. Le danger du néo-colonialisme inquiète le Che.

Pour cette raison et bien d'autres, sa figure est naturellement exaltée dans divers secteurs au Sénégal. Des amis de la solidarité, des chercheurs, des intellectuels aux idées progressistes et, surtout, des étudiants et des amoureux de l'espagnol. Selon les statistiques, ce pays compte le plus grand nombre d'apprenants de notre langue dans toute l'Afrique, suivi de loin par le Bénin et la Côte d'Ivoire. Depuis 1957, le désir de parler la langue de Cervantès entretient le désir de lire la littérature espagnole. La première université à introduire des études d'espagnol a été l'université Cheikh Anta Diop de Dakar. Le campus compte désormais 5 000 étudiants. Et parmi ces livres, "El Diario del Che en Bolivia". Il est également en français, mais rien n'est plus passionnant que de lire l'histoire d'un guérillero dans sa langue maternelle.

Le Círculo Hispánico de ce centre d'enseignement supérieur se distingue par son double enracinement : la langue et l'amour de l'histoire et de la littérature cubaines. Alfred Samba Diouf, actuel Président de la Commission Pédagogique du Club, est très actif et proche du Club. "La figure de Che Guevara et ses pensées sont motivantes et inspirantes pour tous, en particulier pour tous les jeunes révolutionnaires d'aujourd'hui. L'une de ses phrases les plus célèbres est encore utilisée par les révolutionnaires contemporains : Hasta la victoria, siempre".

Samba Diouf le compare à l'éminent révolutionnaire africain Thomas Sankara, qui n'a pas été surnommé pour rien le Che africain. "Une de ses phrases que j'aime le plus est "quand un peuple prend conscience de sa force, de la décision d'aller de l'avant, alors il est fort et alors il peut tenir tête à n'importe quel ennemi".

Pour sa part, Oumar Ousmane Ndiaye, président de l'Association sénégalaise d'amitié avec Cuba, ASENECUBA, considère le Che comme une figure extraordinaire. "Aujourd'hui, sa dimension va au-delà du Sénégal, même au-delà de Cuba, et il est une figure emblématique dans tous les pays du monde. Les jeunes, les femmes et nos enfants adoptent son exemple. Je le vois dans les classes que j'enseigne. Sa vie a été très courte mais son histoire est immense", a souligné l'ami de la révolution cubaine.

Après avoir comparé le guérillero à des figures telles que Sankara lui-même, ou à Nelson Mandela, le leader et professeur a remercié le Che pour son héritage dans l'esprit révolutionnaire de l'Afrique, et particulièrement du Sénégal.

C'est pourquoi, lorsqu'on demande à un Sénégalais de parler de Cuba, il se risque à dire en espagnol "la tierra de Fidel" (la terre de Fidel), ou bien il ne remarque pas que le Che était argentin de naissance et dit "la patria de Che Guevara" (la patrie de Che Guevara). Il y a aussi ceux qui parlent de l'orchestre d'Aragon, du tabac ou du rhum. En vérité, se promener dans Dakar peut réserver des surprises. Ils ont bu l'histoire, ou l'ont vécue. Ils peuvent même porter un pull-over avec la silhouette très utilisée, basée sur la photo de l'homme par Korda, et même fredonner "Nous avons appris à t'aimer, depuis la hauteur historique, où le soleil de ta bravoure, entourait la mort". (Embacuba Sénégal)

 

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