Paris, 23 juin 2023.- Discours de Miguel Mario Diaz-Canel Bermudez, président de la République, au Sommet pour un nouveau pacte financier international, à Paris, France, le 22 juin 2023, « Année 65 de la Révolution »
Votre Excellence Emmanuel Macron, Président de la République française ;
Vos Excellences les Présidents Gustavo Petro et Cyril Ramaphosa :
Tout d'abord, je suis reconnaissant d'avoir été invité à participer à ce Sommet pour un nouveau Pacte financier mondial, qui pourrait constituer un autre point de départ vers un processus intergouvernemental plus large de discussion et de prise de décision dans le cadre des Nations unies.
Nous assistons à ce rendez-vous avec l'énorme responsabilité que représente pour Cuba la présidence du Groupe des 77 et la Chine, le groupe le plus représentatif des nations en développement et celui qui, historiquement, a servi de drapeau et de porte-parole des revendications qui nous réunissent aujourd'hui.
Ce n'est un secret pour personne que les conséquences les plus néfastes de l'ordre économique et financier international actuel, profondément injuste, antidémocratique, spéculatif et excluant, pèsent le plus lourdement sur les pays en développement.
Ce sont nos pays qui ont vu leur dette extérieure pratiquement doubler au cours des dix dernières années ; qui ont dû dépenser 379 milliards de dollars de leurs réserves pour défendre leur monnaie en 2022, soit presque le double du montant des nouveaux Droits de tirage spéciaux qui leur ont été alloués par le Fonds monétaire international.
Dans ces conditions défavorables, le Sud ne peut pas générer et accéder aux 4,3 billions de dollars par an nécessaires pour atteindre les Objectifs de développement durable au cours de la décennie d'action restante.
Nos peuples ne peuvent et ne doivent pas demeurer les laboratoires de recettes coloniales et de formes renouvelées de domination qui utilisent la dette, l'architecture financière internationale actuelle et les mesures coercitives unilatérales pour perpétuer le sous-développement et remplir les coffres de quelques-uns aux dépens du Sud. Un nouvel ordre international plus juste s'impose d'urgence.
Pour ce faire, il sera essentiel d'aborder, comme cela a été discuté ici aujourd'hui, une réforme des institutions financières internationales, tant en termes de gouvernance et de représentation que d'accès au financement, qui tienne dûment compte des intérêts légitimes des pays en développement et renforce leur capacité de prise de décision au sein des institutions financières.
En plein 21e siècle, il est inacceptable que la majorité des nations de la planète continuent d'imposer des institutions obsolètes héritées de la Guerre froide et de Bretton Woods, éloignées de la configuration internationale actuelle et conçues pour profiter des réserves du Sud, perpétuer le déséquilibre et appliquer des recettes conjoncturelles pour reproduire un schéma de colonialisme moderne.
Une recapitalisation rapide et substantielle des banques multilatérales de développement est nécessaire pour améliorer leurs conditions de prêt et répondre aux besoins financiers du Sud. Il s'agit notamment d'inviter les pays disposant de Droits de tirage spéciaux non utilisés à les réorienter vers ces banques et les pays en développement, en tenant compte de leurs besoins, de leur situation particulière et de leurs vulnérabilités.
Les prêts officiels pour la réalisation des Objectifs de développement durable doivent être augmentés. Nos pays ont besoin de ressources supplémentaires soutenues par des actions concrètes en matière d'accès aux marchés, de création de capacités et de transferts de technologies.
Il est également urgent d'établir des mesures de progrès en matière de développement durable qui aillent au-delà du produit intérieur brut afin de définir l'accès des pays en développement au financement dans des conditions favorables et à une coopération technique appropriée.
Nous devons également garder à l'esprit que le changement climatique a transformé la nature des défis en matière de développement et que, par conséquent, l'agenda climatique convenu au niveau international doit être mis en œuvre conformément au principe d'équité, de responsabilités communes mais différenciées, et des capacités respectives.
Il est très décevant de constater que l'objectif de mobiliser 100 milliards de dollars par an jusqu'en 2020 pour le financement de la lutte contre le changement climatique n'a jamais été atteint. Si l'on ajoute à cela l'accumulation des manquements et l'impact de l'inflation, cet objectif, qui n'a jamais été réellement fondé sur les besoins et les priorités des pays en développement ou sur la science, est considérablement plus élevé.
Excellences :
Le moment est venu d'envoyer un message politique clair qui renouvelle notre engagement collectif à mettre en œuvre l'Agenda 2030 et ses Objectifs de développement durable.
Les bases actuelles définissant les relations Nord-Sud et la coexistence sur la planète doivent être repensées.
Je conclurai par une interrogation et un avertissement lancés par Fidel il y a près de dix ans : « S’il est possible aujourd’hui de prolonger la vie, la santé et le temps utile des personnes, il est parfaitement possible de planifier le développement de la population en fonction de la croissance de la productivité, de la culture et du développement des valeurs humaines. Qu’attendent-ils pour le faire ?
« Les idées justes vaincront ou ce sera la catastrophe. »
N'entrons pas dans l'histoire comme des dirigeants qui auraient pu faire la différence dans notre destin commun, mais qui n'ont pas su le faire.
N'ignorons pas les mises en garde, ne sous-estimons pas les urgences. Agissons avec un sens de l'espèce menacée. Agissons avec un sens de l'humanité.
Je vous remercie.