Votre Excellence M. Luis Abinader, Président de la République dominicaine :
Sa Majesté Felipe VI :
Excellences, chefs d'État et de gouvernement de l'Amérique latine, chefs de délégation :
Son Excellence Andrés Allamand, Secrétaire général ibéro-américain :
Il est très émouvant de visiter la République dominicaine sœur, berceau d'un peuple généreux et noble, si étroitement liée à Cuba par la géographie et l'histoire que, dans certaines régions de nos pays, il est difficile de nous distinguer.
Au centre de cette union, se trouve le général Maximo Gomez Baez, né sur ces terres, qui devint le chef exceptionnel des forces Mambi dans les luttes pour notre indépendance, raison pour laquelle à Cuba nous lui rendons un hommage permanent et sincère.
Le vieux Gomez, comme l'appelaient affectueusement le peuple et les troupes, avec son talent militaire incontesté et un sens de la patrie qui dépassait les frontières dominicaines, obtint le grade de général de l'armée de libération cubaine lors d'un épisode marquant que notre histoire reconnaît comme la première charge à la machette.
Dans ce combat légendaire, l'utilisation stratégique de cet outil de travail se révéla être la plus cubaine des armes contre l'armée coloniale.
Cette puissante histoire cubaine et dominicaine a une résonance particulière ici, en un jour comme aujourd'hui. C'est le 25 mars 1895, il y a exactement 128 ans, que notre Héros national José Marti et Maximo Gomez, général en chef de l'Armée de libération, signèrent ce que l'on connaît sous le nom de Manifeste de Montecristi.
« C'est nous, Cubains, souligne le texte, qui avons commencé la guerre, et c'est nous, Cubains et Espagnols, qui la terminerons. Ne nous maltraitez pas et vous ne serez pas maltraités. Respectez-nous et vous serez respectés. L'acier répond à l'acier, et l'amitié à l'amitié. Il n'y a pas de haine dans la poitrine antillaise. »
Malgré le temps écoulé, le Manifeste de Montecristi reste une référence historique dans notre lutte permanente pour préserver l'indépendance et la souveraineté que nous avons conquises.
Excellences :
Ce Sommet nous offre la possibilité de traduire en actions concrètes l'aspiration à évoluer vers une région plus juste, plus unie et plus durable. Pour atteindre ce noble objectif, il faut incontestablement modifier l'ordre international actuel, injuste, irrationnel et excluant.
Il est urgent de procéder à une restructuration profonde et intégrale de l'architecture financière internationale, contrôlée par un petit nombre d'institutions qui profitent des réserves du Sud et appliquent des recettes à court terme pour reproduire leur schéma colonialiste moderne.
Le problème de la dette extérieure, qui a été remboursée plusieurs fois mais qui se multiplie, perpétuant le pillage financier et la dépendance économique des pays en développement, doit être résolu une fois pour toutes.
Les gaz à effet de serre atteignent des niveaux de concentration record. Dans les Caraïbes, nous sommes frappés par des ouragans de plus en plus dévastateurs. Nous devons agir sans plus attendre pour éviter une catastrophe climatique.
Le monde post-pandémique est un monde plus divisé, injuste et inégal, où nous sommes confrontés à des crises multidimensionnelles dans les domaines de la santé, du climat, de l'énergie, de l'alimentation, de l'économie et de la finance qui nous affectent tous, en particulier les pays en développement.
Rien qu'en 2021, 828 millions de personnes ont souffert de la faim, soit 46 millions de plus qu'en 2020 et 150 millions de plus qu'en 2019. Selon les estimations de la Banque mondiale, entre 75 et 95 millions de personnes supplémentaires ont sombré dans l'extrême pauvreté à la fin de 2022.
Combien de progrès pourraient être réalisés si au moins une partie des quelque 2 000 milliards de dollars actuellement consacrés à l'armement était affectée au financement du développement ?
Dans quelle mesure les inégalités, l'insécurité alimentaire, le chômage, l'analphabétisme et la pauvreté pourraient-ils être réduits si l'Agenda 2030 était soutenu par des actions concrètes en matière d'accès au marché, de financement équitable et préférentiel, de renforcement des capacités et de transfert de technologies ?
En ces temps de crises multidimensionnelles qui pèsent particulièrement sur les pays du Sud et de tentatives incessantes de fragmenter notre unité, Cuba a assumé avec un engagement total la présidence du Groupe des 77 et la Chine. Nous assumons cette haute responsabilité avec la conviction que la solidarité et la coopération doivent prévaloir au service du développement.
La Conférence ibéro-américaine, par la promotion d'une coopération inclusive, peut et doit contribuer à la réalisation de cet objectif commun.
Nous nous réjouissons de la désignation de Cuba comme lieu de la 24e Conférence des directeurs ibéro-américains de l'eau, que nous accueillerons en novembre 2023 à La Havane. Lors de cet événement important, nous avons l'intention de mettre à la disposition de la communauté ibéro-américaine un programme de formation et de développement de capacités techniques spécialisées dans la gestion intégrale de l'eau, avec des cours de troisième cycle, des masters et des doctorats dans les universités cubaines.
Excellences :
Le gouvernement des États-Unis s’est obstiné à déstabiliser notre pays et à détruire la Révolution cubaine. Depuis 2019, il a porté le blocus contre Cuba à une dimension extrême, afin d'infliger délibérément le plus grand préjudice possible aux familles cubaines, de semer le découragement et le mécontentement et d'étrangler l'économie. Les dommages humains causés par cette politique, impossibles à quantifier, sont énormes et cruels.
S'il fallait une preuve de l'escalade de la haine dans la politique de destruction de la Révolution cubaine, le monde a pu la voir se déchaîner sans contrôle dans un cadre aussi noble et amical que devrait l'être une arène sportive. Ce fut un spectacle honteux, rendu possible uniquement par l'incitation active et la complicité des autorités politiques de la ville de Miami.
Simplement parce qu'ils représentaient Cuba et que le match se déroulait dans un stade de cette ville, nos joueurs et certaines de leurs familles ont été harcelés sans aucune considération, lors de la demi-finale de la Classique de baseball.
Dans le même temps, l'inclusion injustifiée de Cuba dans la liste fallacieuse des pays qui soutiennent prétendument le terrorisme, publiée unilatéralement par le Département d'État, est maintenue, ce qui constitue une insulte à la vérité et une offense à mon pays, qui compte parmi les plus grandes victimes du terrorisme dans l'hémisphère occidental.
Il ne s'agit pas seulement d'un mensonge, mais d'une calomnie sans fondement. Inclure dans cette liste un pays dont la conduite de rejet ferme et de condamnation de toute forme ou manifestation de terrorisme est irréprochable et reconnue, rend toutes nos transactions financières et commerciales et nos possibilités de crédit extrêmement difficiles.
Nous sommes reconnaissants du soutien précieux de la région ibéro-américaine, de ses déclarations rejetant le blocus et de ses demandes d'exclusion de Cuba de la liste arbitraire des États soutenant le terrorisme.
Face aux tentatives de l'empire de nous recoloniser et de nous imposer une culture et des modèles uniques, la région s'unit, sous le leadership de la Celac, en honorant l'engagement de la Proclamation de l'Amérique latine et des Caraïbes comme Zone de Paix.
Nous réitérons notre ferme solidarité avec les gouvernements légitimes du Venezuela, du Nicaragua et de la Bolivie, soumis à des tentatives persistantes de déstabilisation. Parce qu'elle les a également subies et qu'elle en connaît les coûts humains, politiques et sociaux, Cuba condamne et rejette les ingérences qui fracturent le consensus.
Nous soutenons la revendication légitime de souveraineté de l'Argentine sur les îles Malouines, Sandwich du Sud et Géorgie du Sud, ainsi que sur les zones maritimes environnantes.
Nous réaffirmons l'engagement historique du peuple portoricain en faveur de l'autodétermination et de l'indépendance.
Nous réaffirmons notre engagement en faveur des processus de paix en Colombie, tout comme nous réaffirmons que le peuple frère haïtien a besoin de paix et de tout notre soutien, de davantage de solidarité et de coopération internationale, sur la base du respect total de la souveraineté et de l'autodétermination de cette nation.
Nous remercions la République dominicaine pour les résultats remarquables obtenus au cours de ces deux années à la tête de la Communauté ibéro-américaine. Nous souhaitons beaucoup de succès à la République de l'Équateur dans ses nouvelles fonctions de Secrétariat pro tempore.
Vous pouvez toujours compter sur Cuba dans nos efforts pour consolider un monde plus juste, solidaire et durable, qui avance vers le développement et la prospérité de nos peuples, nos frères de sang, d'histoire, de batailles et d'espoirs. Depuis ces territoires éblouissants de l'Amérique, qui ont inspiré à Alejo Carpentier l'idée du réel merveilleux, chaque fois que nous sommes ensemble, nous grandissons dans la certitude que c'est possible.
Je vous remercie.
(Cubaminrex – Présidence de Cuba)