Entretien accordé par Miguel Mario Diaz-Canel Bermudez, Premier secrétaire du Comité central du Parti communiste de Cuba et président de la République, à la journaliste Arleen Rodriguez Derivet, au Palais de la Révolution, le 12 octobre 2023, « Année 65 de la Révolution »
« L'énergie vient aussi de l'engagement et de la volonté d'affronter les problèmes et de donner une réponse qui nous conduise réellement, en tant que pays et en tant que peuple, à une situation meilleure que celle que nous vivons », a déclaré le président. Photo: Estudios Revolución
(Traduction de la version sténographiée de la Présidence de la République)
Miguel M. Diaz-Canel : Bonsoir, Arleen.
Arleen Rodriguez : Je vous remercie d'avoir accepté l'invitation.
Miguel M. Diaz-Canel : Merci à toi d'être ici.
Arleen Rodriguez : Voici notre équipe de la présidence.
Miguel M. Diaz-Canel : Bonsoir à tous.
Arleen Rodriguez : Tard dans la nuit ici au Palais de la Révolution, est-ce que toutes les journées sont aussi longues ?
Miguel M. Diaz-Canel : Tous les jours, il y a des jours plus longs et des jours plus courts, mais tous les jours ont un programme bien rempli.
Arleen Rodriguez : Pour moi, qui ai parfois l'occasion de vous accompagner dans votre programme, il me semble qu'il est un peu serré, n'abusez-vous pas trop de votre énergie ?
Miguel M. Diaz-Canel : Arleen, nous parlons du temps, du temps de travail, qui est une variable très importante dans la vie d'un révolutionnaire. Les temps sont complexes, les nouvelles sont nombreuses dans ce monde plein d'incertitudes et nous ne vivons pas dans une bulle, c'est-à-dire que nous gardons constamment un œil sur ce qui se passe dans le pays et dans le monde, et sur la façon dont les problèmes mondiaux influencent aussi nos réalités.
Dans ces conditions, il n'est pas envisageable d'avoir un programme vide, il y a un programme plein, je dirais même un programme exigeant, parce qu'il y a beaucoup à faire, mais je ne pense pas que le programme soit surchargé, le programme est plein et c'est le programme avec lequel j'ai eu l'habitude de travailler pendant toutes ces années, surtout parce qu'il répond à un concept de planification qui systématise les moments de travail qui me permettent au cours d'un mois d'arriver d'une manière ou d'une autre, à travers différentes actions, à travers différentes formes de participation, à m'occuper de chacun des problèmes les plus urgents du pays.
Arleen Rodriguez : En d'autres termes, c’est vous qui concevez votre programme ?
Miguel M. Diaz-Canel : Je le conçois moi-même, je me planifie moi-même
Arleen Rodriguez : Comment faites-vous ?
Miguel M. Diaz-Canel : J'ai déjà, je dirais, un programme traditionnel, un système de travail que j'ai élaboré il y a de nombreuses années, lorsque j'ai commencé à travailler au Parti, et que j'ai adapté aux différentes responsabilités, qui donne la priorité aux visites que je vais faire dans les provinces, à celles que je vais faire en contact avec la population, et ensuite je programme un groupe de réunions. Les gens parlent de réunionite. Le fait est, c'est qu'il y a des choses pour lesquelles il faut se réunir ; l'excès de réunions est mauvais, mais il y a des choses pour lesquelles les personnes impliquées dans une question doivent s'asseoir pour l’analyser, pour analyser son avancée, pour planifier, pour travailler autour d’une table, parce que sinon tout est improvisé. Et il y a d'autres espaces auxquels on s’intéresse pour atteindre un groupe déterminé, un lieu déterminé afin de voir les choses dans les situations où elles sont vécues. Il y a donc des choses que l'on planifie quotidiennement, d'autres que l'on planifie hebdomadairement, d'autres encore que l'on planifie tous les dix ou quinze jours, et d'autres encore que l'on planifie mensuellement, mais cela permet d'avoir ce système de travail.
J'ai toujours pensé qu'un travail aussi systématique doit accumuler des résultats et des valeurs quantitatives et qualitatives, et qu'au bout du compte il doit y avoir des résultats.
Je pense qu'il n'y a rien de mieux que le travail quotidien, mais je ne pense pas que ce soit le moment d'avoir un programme vide ou un programme modéré. Cela demande de l'énergie ; tant que j'aurai l'énergie pour le faire, je le ferai de cette manière. Cette énergie réside tout d'abord dans le défi que l’on a devant soi et dans la manière dont on se sent interpellé par ce défi ; l'énergie provient également de l'engagement et de la volonté de faire face aux problèmes, afin de donner une réponse qui nous conduise réellement, en tant que pays et en tant que peuple, à une meilleure situation que celle dans laquelle nous vivons. C'est pourquoi je mets à profit chaque minute de travail.
Dans cette planification, je dois aussi défendre ma vie personnelle. Je ne crois pas qu'un révolutionnaire puisse nier la nécessité de disposer également d’un temps pour partager avec sa femme, ses enfants, ses petits-enfants, avec les grands-mères à la maison, avec sa famille et avec les amis proches qui font partie de la famille ; cela complète la vie d'un révolutionnaire.
Arleen Rodriguez : Quoi qu’il en soit, nous vivons des temps très difficiles, beaucoup de gens me disent : « Je vois le président épuisé, fatigué », parce qu'ils le voient avec des cernes sous les yeux, ou transpirant au milieu d'un quartier de La Havane ou dans une province, leur province, par exemple, et vraiment, d'autres vous disent : « Quelle malchance, il a eu droit à tous les malheurs : une tornade, un avion qui s'écrase, l'incendie de la base de superpétroliers. » Et je demande : Diaz-Canel pense-t-il qu'il est malchanceux ?
Miguel M. Diaz-Canel : Je pense que ceux qui parlent de chance doivent se rendre compte du monde dans lequel nous vivons, et plus que tout, il faudrait dire : combien de malchance nous avons vécu à cette époque ! Une époque tellement agitée, une époque où le monde vient de sortir d'une pandémie qui a causé la perte de tant de vies, et où alors que nous aspirions tous, du moins ceux d'entre nous qui ont une pensée humaniste, à un monde plus solidaire, plus coopératif, plus pacifique et où l’on travaillerait davantage dans l'intérêt des gens, c'est un monde qui s'enlise dans les guerres, dans les conflits, où les mesures coercitives unilatérales se multiplient pour faire pression sur ceux qui pensent différemment, où l'on continue à construire des murs et non des ponts, où l'on tente encore d'écraser les causes des pays les plus pauvres ; un monde de plus en plus inégalitaire, avec des riches plus riches, des pauvres plus pauvres, où les pauvres ont moins accès au développement, alors, quelle malchance de vivre à cette époque !
Mais je crois que le problème n'est pas la chance, qui peut être associée aux malchances ou qui peut être associée aux adversités ; le problème est de savoir comment chacun se prépare à faire face à cette adversité ou à cette malchance ou à ces situations extrêmes ou complexes.
À Cuba, en s’appuyant sur notre histoire, nous avons une façon de faire face aux défis, nous faisons face aux défis ! Et revenons à Fidel et Raul, à leur génération, à la génération qui a fait la Révolution : ils ont pris d'assaut la Moncada, ils ont été prisonniers, une prison, comme ils le disaient, féconde. Note bien à quel point cette conception de relever les défis est élevée : la prison féconde ! En prison, ils ont étudié, en prison, ils se sont préparés, en prison, ils ont grandi.
Arleen Rodriguez : Ils ne l’ont pas considéré comme une malchance.
Miguel M. Diaz-Canel : Ils ne l’ont pas considéré comme une malchance.
Le débarquement du yacht Granma avec toutes ses vicissitudes et toutes les complexités de la traversée ; Alegria de Pio ; puis vient Cinco Palmas et, quand un groupe d'entre eux peut se réunir, ils disent : « Maintenant, oui, nous avons gagné la guerre ! » Il a défié l'adversité.
Ensuite, durant les années de la Révolution, et surtout durant les premières années, il y eut les événements de l'explosion de La Coubre, l'invasion de Playa Giron, les montagnes de l'Escambray et d'autres montagnes du pays avec des bandes qui assassinaient, qui commettaient des crimes ; la rupture avec les États-Unis dans les premières années et le début du blocus ; la Crise d'octobre, qui mit le monde au bord d'une guerre mondiale ; le cyclone Flora dans les premières années de la Révolution, alors que nous n'avions pas le niveau d'organisation de notre système de Défense civile et de notre système de réduction des risques et des catastrophes, qui causa également des pertes matérielles et de nombreuses vies humaines.
Si Fidel, alors qu’il vivait ces moments concentrés au début d'une révolution naissante, avait pensé à la malchance, la Révolution n'aurait pas tenu comme elle a tenu jusqu’à nos jours. Et ensuite tout ce qui s'est passé au cours de la Révolution, nous avons vécu une Période spéciale et, à l'heure actuelle, nous vivons une situation très complexe.
« Le pays a été sauvé grâce à la stratégie avec laquelle il a fait face à la pandémie. »
Alors, oui, je crois en la possibilité de transformer les revers en victoires, qui est aussi une façon de surmonter l'adversité, de relever les défis, et cela, c’est dans l'histoire, c’est dans l'histoire cubaine, c’est dans une histoire en laquelle on croit, dans une histoire qui a été construite, qui a été écrite par un peuple déterminé à faire de ses rêves une réalité, qui n'a jamais renoncé à faire de ses rêves une réalité. Et cela engage fortement, Arleen, et cela donne beaucoup de force pour y faire face.
Parfois, les gens me disent : « Mais je te vois serein au milieu de cette situation complexe. » Non, à l'intérieur, je bouillonne. De plus, c’est fou ce que l’on ressent, l'angoisse est grande lorsque l’on est confronté à ces problèmes, mais il faut trouver la force en soi et il faut aussi transmettre cette force au reste des camarades qui travaillent avec vous, et au peuple, et c'est ce qui traduit la décision de ne pas baisser les bras, de ne pas laisser de place à la défaite. Ce sont des convictions que j'ai profondément structurées dans ma vie, dans ma façon d'être et dans ma façon de penser.
Arleen Rodriguez : Je vous ai entendu dire que l'histoire vous tire, que le pays vous tire, que le peuple vous tire. Ressentez-vous une énergie qui vous envahit ? Honnêtement, parce que nous sommes de la même génération, et j'ai dit : la journée ne me..., ce n'est pas possible, je n’en peux plus, et je reste, disons, à mi-chemin, je n’arrive pas toujours vous suivre le rythme auquel vous allez, et c'est la raison de cette question, qui peut sembler convenue, quiconque peut vous dire : « Vous vous connaissez ». Oui, nous nous connaissons depuis de nombreuses années, mais la proximité d'âge fait que j'ai parfois l'impression de ne pas pouvoir... Je veux dire qu'il s'agit d'un programme qui ne laisse pas la moindre place à un changement de programme.
En fait, nous réalisons cet entretien à cette heure-ci parce que vous nous avez dit : « Quand j'aurai terminé mon programme de la journée », parce qu'il s'agit de réunions importantes qui se tiennent aujourd'hui dans le pays.
Mais venons-en aux critiques, à ceux qui disent que ce n'est pas de la malchance, mais du mauvais travail de la part du pays : que la Réorganisation a peut-être été planifiée au mauvais moment, que c’est une bonne mesure, mais à un moment où elle n'aurait pas dû l'être ; ou la bancarisation, qui est une excellente mesure, mais ce n'était pas le bon moment. Que leur répondriez-vous ?
Miguel M. Diaz-Canel : Tout le monde a le droit de nous critiquer, de plus, je crois qu'il n'y a pas d’œuvre parfaite, et ce serait également très idéaliste de penser que tout a été bien fait, que tout est parfait et que nous avons raison sur tout.
Nous vivons dans une situation de pression maximale. Ils nous ont placés dans une situation de pression maximale, d'asphyxie économique afin de provoquer l'effondrement de la Révolution, pour briser l'unité entre la direction et le peuple, pour nier l’œuvre de la Révolution. Cela s'exprime dans la traque financière, dans l'intensification du blocus, dans l'énorme campagne de subversion qui existe. Ces derniers jours, sont apparus au grand jour – vous en avez parlé dans l’émission de radio Chapeando – les sommes d’argent que l'USAID et la NED envoyaient vers d'autres pays, et en particulier vers Cuba, ainsi qu'une stratégie de communication dénigrante, pleine de haine visant à discréditer la Révolution et discréditer tout ce que nous faisons.
Maintenant, je dis : dans des circonstances aussi difficiles que celles dont nous avons parlé, il est impossible de trouver le moment parfait, quel est le moment parfait ? Le temps d'attente ? Et quelle est la mesure parfaite ?
Souvenons-nous, parfois notre mémoire nous fait défaut, nous vivions dans des conditions de blocus jusqu'au premier semestre 2019, et nous vivions avec d'autres marges de manœuvre que nous n'avons pas aujourd'hui ; avec des situations complexes, mais avec d'autres marges de manœuvre, l'économie avait un fonctionnement très différent de celui que nous connaissons aujourd'hui.
Tout cela a commencé à changer au second semestre 2019, lorsque Trump, avec 243 mesures, a renforcé le blocus. Puis, début janvier 2021, alors que Trump n'avait plus que quelques jours avant de quitter la Maison Blanche, il nous a inscrits sur une liste fallacieuse de pays qui, soi-disant, soutiennent le terrorisme, ce qui a complètement coupé toutes les autres formes de financement que nous pouvions obtenir, et une énorme persécution financière et énergétique se met en place.
Biden arrive et maintient ces mesures et cette même escalade.
Puis vient la pandémie, qui a touché le monde entier et l'a fait s'effondrer. Cela a duré trois ans, et le monde ne s'est toujours pas remis de la pandémie, et nous ne nous sommes toujours pas remis non plus des effets de la pandémie. Que nous ayons pris des mesures ou non, les temps étaient déjà compliqués.
Nos principales sources de revenus ont été touchées : les envois d’argent, le tourisme, les exportations. Nous avons cessé d’avoir des financements pour réparer les centrales électriques, pour acheter le pétrole et les denrées alimentaires dont nous avions besoin, pour acheter les matières premières et les intrants nécessaires à un ensemble de productions pour fournir des biens et des services à la population ; l’argent a manqué pour acheter les matières premières nécessaires à la production de médicaments essentiels.
Alors, il y avait deux alternatives : se rendre ou livrer bataille. Se rendre, c'était appliquer des formules de choc, des politiques néolibérales, et sauve qui peut et chacun pour soi. Livrer bataille, c'était donner la priorité à la vie humaine et, une fois que nous aurions gagné la vie des gens, continuer à travailler pour faire avancer le pays.
La bataille pour la vie des gens dans la COVID-19, l’avons-nous gagné ou non ? Je pense que nous l'avons gagnée, nous l'avons gagnée de manière méritoire, le peuple l'a gagnée de manière méritoire, notre système de santé, la coopération du monde entier, la solidarité humaine et nos scientifiques avec leurs vaccins.
Imaginez ce pays, et je me pose parfois la question : que ce serait-il passé si nous n'avions pas eu les vaccins à temps et si nous nous étions retrouvés dans cette situation au moment de vivre les catastrophes des superpétroliers, de l’hôtel Saratoga, les pluies diluviennes, les inondations et les cyclones, comme cela s'est produit durant toute cette période ? Le pays a été sauvé grâce à la stratégie avec laquelle il a fait face à la pandémie. C'est de là qu'est né le concept de résistance créative, qui ne consiste pas seulement à résister et à endurer, mais à résister et, avec son talent, avec ses efforts – avec ceux du peuple dont je parle – à surmonter les situations, à surmonter les adversités et à aller de l'avant aussi.
Les vaccins sont une avancée. Combien de pays dans le monde ont-ils pu mettre au point des vaccins comme les nôtres ? Combien de pays sous-développés ont-ils pu concevoir des vaccins ? Combien ont-ils pu contrôler la maladie grâce à leurs propres protocoles et à leurs propres médicaments ? Je pense que Cuba nous a donné une leçon à cet égard et, de plus, nous l'avons donnée en la partageant avec le monde, en exprimant notre solidarité avec le monde.
Au milieu de cette situation, nous avons appliqué une mesure telle que la Réorganisation, mais la Réorganisation était prévue et un groupe travaillait sur cette Réorganisation depuis dix ans, mais la Réorganisation n'a pas non plus pu être mise en place dans les conditions les plus favorables. Maintenant, est-ce que l'inflation que nous connaissons aujourd'hui est vraiment due à la Réorganisation ? Je pense que c'est une question à débattre. Je ne vais pas dire si c'est plus ou moins, mais sans Réorganisation, il y aurait eu de l'inflation également.
Arleen Rodriguez : Et pourquoi le monde en parle-t-il à l’étranger ?
Miguel M. Diaz-Canel : Pourquoi y a-t-il de l'inflation dans le monde, alors qu’ils n'ont pas appliqué de Réorganisation. Parce que, tout simplement, il y a eu moins d'options d'offres que d’exigences de demandes, à cause de tous ces problèmes. Ce qui se passe, c'est qu'il y aurait eu une inflation où le rapport salaire-prix aurait eu la magnitude absolue, propre à ce moment, qui en termes absolus aurait été inférieure à la magnitude absolue qu'elle a maintenant, mais en termes de pourcentage, le pouvoir d'achat du salaire par rapport aux prix aurait été plus ou moins le même, parce qu'il y aurait eu les mêmes disproportions entre l'offre et la demande.
Récemment, nous avons dû mettre en place la bancarisation. La bancarisation est nécessaire, nous sommes en train de créer les conditions et il a été dit qu'il s'agit d'un processus progressif. Ce qui se passe, c'est que la bancarisation intervient également à un moment où nous manquons de liquidités – pour d'autres raisons –, mais si nous n'avions pas appliqué la bancarisation, le déficit de liquidités aurait été plus important, parce qu'avec la bancarisation, nous avons immédiatement obtenu une réponse, à savoir que plus d'argent a commencé à entrer, plus de dépôt d’espèces à la Banque centrale et qui est sorti de la circulation.
Quoi qu'il en soit, nous ne sommes ni fermés d'esprit ni dogmatiques, nous procédons à une analyse exhaustive de tout l’historique de la Réorganisation, des erreurs que nous aurions pu commettre, de ce que nous aurions pu mal faire et aussi des facteurs qui ont eu une influence et qui, même si nous avions tout fait correctement, portaient préjudice à la Réorganisation.
Nous faisons la même chose avec la bancarisation presque quotidiennement, et nous l'analysons chaque semaine. Cette analyse, qui sera très critique, nous allons la partager avec la population, car nous avons la ferme intention de rectifier, dès que possible, toutes les déviations qui pourraient exister dans les mesures que nous appliquons.
C’est pourquoi nous le faisons tous les jours avec tout ce qui se passe, et nous regardons constamment ce que les économistes proposent, ce que le peuple propose.
Arleen Rodriguez : Vous les lisez ?
Miguel M. Diaz-Canel : Nous les lisons, nous les étudions et je les donne comme tâches à d'autres personnes. Nous ne nions rien de tout cela, et même, dans la majorité des cas, nous sommes d’accord. Le problème, c'est que beaucoup des choses qui sont proposées, dont nous sommes convaincus et qui font partie de notre Programme de stabilisation macroéconomique, nécessitent des devises pour être réalisées, et c'est ce dont nous ne disposons pas en ce moment.
Par exemple, aujourd'hui, quelqu'un vous dit, à juste titre : nous devons développer le marché des changes. Je suis d'accord sur le fait qu'il faut développer le marché des changes, mais qu'est-ce que je vais changer ? Pour changer, je dois avoir des devises étrangères, et en ce moment la devise ne nous donne pratiquement, que de quoi acheter un peu de carburant, – qui n'est pas suffisant –, et de manière fractionnée le panier alimentaire de base et d'autres produits qui sont nécessaires pour maintenir la vitalité des besoins fondamentaux de la population.
Mais nous sommes prêts à faire cette analyse critique, à rectifier les erreurs et aussi à analyser des situations très spécifiques. Et nous ne sommes pas immobiles, ce qui se passe, c'est que dans l'économie, chaque fois que l'on bouge une variable, tout est modifié. En effet, je suis convaincu qu'il faut augmenter les salaires, la pension minimum et le salaire minimum, mais si nous augmentons les salaires en ce moment et que nous n'avons pas une offre plus importante, cette augmentation n’aura servi à rien, parce qu'immédiatement les prix augmentent davantage en raison de la différence entre l'offre et la demande, si bien qu’au bout de trois mois, nous en sommes au même niveau dans le rapport salaire moyen-prix, et le pouvoir d'achat disparaît.
Il y a donc des choses dont nous sommes convaincus qu'elles doivent être mises en œuvre progressivement ou attendre un autre moment, parce qu’il faut le faire en conjonction avec d'autres mesures.
On se demande aussi pourquoi nous ne subventionnons pas les personnes plutôt que les produits. Nous travaillons sur ce point, qui figure également dans les Orientations, mais nous devons le faire progressivement. Au milieu de cette situation, allons-nous supprimer les aides à tout le monde ? Par ailleurs, lorsque nous parlons de personnes vulnérables, quelle est l'ampleur de la vulnérabilité ? Comment classer les personnes vulnérables ? Nous étudions une méthodologie pour que personne ne soit abandonné à son sort.
Nous sommes prêts à subventionner des personnes et non des produits, et c'est l'une des mesures qui sera peut-être appliquée à moyen terme, sur la base du concept selon lequel certaines personnes ou noyaux familiaux sont plus proches des situations de vulnérabilité. Mais nous devons le faire bien, car sinon nous créerons plus de conflits, et de toutes façons, le fait de ne pas subventionner les produits ne signifie pas que nous cessions d'importer les niveaux d'alimentation que nous importons actuellement, car même si nous ne subventionnions que les personnes, nous devons mettre de la nourriture à disposition, y compris pour ceux qui ne seront pas subventionnés, car on ne peut pas s'occuper uniquement des problèmes de ceux que l'on va subventionner, de ceux qui sont supposés se trouver dans une situation de plus grand désavantage.
Il s'agit de problèmes très complexes qui demandent beaucoup de réflexion, c'est pourquoi nous ne pouvons pas annoncer tous les jours que nous allons faire ceci ou cela, parce que tout exige beaucoup d'élaboration.
Il y a des choses qui ont été appliquées qui avaient été reportées et qu’il fallait appliquer, par exemple, il y a maintenant la critique des micro, petites et moyennes entreprises.
Arleen Rodriguez : J'allais vous le dire. C'est l'une des choses qui figurait également dans les accords du Congrès du Parti, dans les documents, cependant, certains disent aujourd'hui que les MPME pourraient être une mesure néolibérale. Que leur répondriez-vous ?
Miguel M. Diaz-Canel : Tout d'abord, il me semble très offensant de dire que les MPME sont une expression de néolibéralisme, et de plus c'est également offensant pour quelqu'un qui a la conviction d'une construction socialiste basée sur la plus grande justice sociale possible, basée sur la défense de la souveraineté et de l’indépendance de ce pays, basée sur la recherche de la plus grande prospérité pour notre peuple dans des conditions d’égalité.
L'existence d'un secteur non étatique dans l'économie cubaine est-elle nouvelle ? La plupart des terres à Cuba sont aujourd'hui gérées par des coopératives agricoles, des coopératives de crédit et de services et des usufruitiers qui produisent pour elles. En d'autres termes, ce secteur privé et coopératif n'est pas inconnu à Cuba, mais lors des 6e, 7e et 8e Congrès du Parti, cela figurait dans les Orientations, et nous sommes arrivés à un moment où, en raison de tous ces problèmes, l'économie s'est contractée et le blocus s'est aggravé. Bien, quelle était l'option d'emploi pour un groupe de personnes qui avaient trouvé un emploi dans les MPME ?
Mais il y a des MPME privées et des MPME d'État, et qui travaillent dans les MPME ? Sont-ils des ennemis de Cuba ? Ne sont-ils pas des Cubains ? Ne sont-ils pas des personnes formées dans notre Révolution ? Sont-ils contre-révolutionnaires ? Pouvons-nous dire que ce sont des contre-révolutionnaires ? Sont-ils contre la Révolution ? Veulent-ils renverser la Révolution ? Il ne faut pas tout confondre.
Qui veut que ce secteur devienne un secteur de fracture avec la Révolution ? L'ennemi, les Yankees, et ils l'ont démontré il y a peu lorsqu'un groupe, avec les meilleures intentions du monde, s'est rendu à un événement aux États-Unis, qui était censé être un événement d'affaires, un événement commercial, d'échange, non politique, et ils l'ont politisé, et certains d'entre eux se sont retrouvés avec un terroriste lors d'un dîner. Qui a politisé cela, les MPME, ceux de Cuba, le gouvernement cubain ? Ce sont les États-Unis qui l'ont politisé.
Mais ils le disent ouvertement : « Nous allons transformer ce secteur en un secteur d'opposition. » On leur a dit qu'ils allaient être des « agents du changement », et nous avons vu la réaction de nombre d'entre eux qui ne se sont pas laissé manipuler par ces choses.
« Les micro, petites et moyennes entreprises (MPME) ont mis en place des systèmes de production de biens et de services
Les MPME ont mis en place des systèmes de production de biens et de services. Tout est-il parfait ? Non, c'est aussi un phénomène très nouveau. Elles ont profité de certaines situations dans lesquelles elles sont avantagées par rapport aux entreprises d’État, parce que beaucoup d'entre elles vont chercher des financements sur un marché illégal de devises étrangères qui a malheureusement été créé parce que nous n'avons pas eu de devises étrangères pour renforcer notre marché de change légal, vers lequel les gens se tourneraient, si cette possibilité existait, dans une plus large mesure.
Parfois, il est plus facile pour elles d'importer, elles sont moins soumises au blocus que les entreprises d’État, bien qu'elles le subissent également, mais elles ont créé des enchaînements productifs avec les entreprises d'État. Quelles sont les activités de bon nombre d'entre elles ? En quoi consistent-elles ? Elles importent des matières premières et créent des chaînes de production avec des capacités inutilisées dans des entreprises cubaines, et ensemble, elles ont remis en marche avec efficacité des systèmes de production.
Les MPME ont occupé également des espaces de services dans la société que l'État, dans un processus de construction socialiste, ne doit pas nécessairement prendre en charge.
Y a-t-il eu des déviations ? Oui. Certains vendent très cher et ont abusé des prix et utilisé des prix spéculatifs ? Également. Mais il y a aussi des entités de l’État qui l’ont fait. En d'autres termes, ces dérapages sont présents chez tous les acteurs de l'économie.
Nous procédons actuellement à une analyse. Deux ans après que ce processus a pris une plus grande intensité et une plus grande dynamique, nous sommes en droit de faire des évaluations, que nous partageons avec des représentants de ce secteur et du secteur étatique. Et nous allons réorganiser ou perfectionner les relations appropriées qui doivent exister entre le secteur étatique et le secteur non étatique, en les précisant clairement, parce qu'il faut des règles claires, précises et cohérentes qui ne permettent pas de distorsions.
Maintenant, ceux qui nous accusent d'être néolibéraux devraient s'informer un peu. Si nous avions appliqué des formules néolibérales ici, nous aurions résolu le problème de 1 % de la population, et le reste, chacun pour soi ! Non. Il se trouve que nous sommes dans une situation très difficile, mais que nous continuons à partager un panier alimentaire de base avec tout le monde, même avec ceux qui n'en ont pas besoin.
De plus, au milieu de cette situation, le pays a approuvé un programme de lutte contre la discrimination raciale. N'est-ce pas prendre en charge une vulnérabilité ou un groupe de personnes susceptibles d'être désavantagées sur le plan social ?
Nous avons mis en œuvre un programme de promotion de la femme. N'est-ce pas également prendre en charge des situations de désavantage social ?
Nous avons entrepris un processus de transformation sociale dans les quartiers avec la participation de la population et pas seulement avec de l'assistanat.
Nous avons approuvé une politique en faveur des enfants, des jeunes et des adolescents, qui aboutira à une Loi.
Nous avons continué à développer et à maintenir les programmes sociaux, qui ont été conçus par le Commandant en chef à un autre moment de la Révolution, par exemple les programmes de la Bataille des idées, qui sont si évidents..., et ils sont toujours là et sont soutenus par cette économie que nous critiquons souvent, et ils sont en fonction de la société.
Mais, en outre, nous n'avons pas augmenté les tarifs. Aujourd'hui, nous avons des entreprises et des travailleurs d’entreprises étatiques qui sont désavantagés parce que nous n'avons pas augmenté les tarifs pour la population au milieu de cette situation. Par exemple, les travailleurs du secteur électrique : le prix du carburant augmente, les frais des entreprises qui produisent de l'électricité augmentent, et pourtant nous n'augmentons pas les tarifs de l'électricité pour la population, si bien que ces travailleurs gagnent de moins en moins, tout en continuant à fournir un service à la population, et nous connaissons tous l'héroïsme des travailleurs du secteur électrique durant toutes ces périodes de crise énergétique et de production d'électricité.
Mais les entreprises de transport public sont presque en faillite, parce que nous n'avons pas augmenté les tarifs des transports publics.
Je pense qu'il y a des luxes que nous ne pourrons pas nous permettre pendant un certain temps, mais nous continuons à faire preuve de solidarité et nous continuons à essayer de prendre soin de tout le monde. Nous avons des inégalités, certaines inégalités sont apparues ? Elles sont apparues depuis la Période spéciale, elles ne sont pas nouvelles, elles existaient auparavant. Elles se sont accumulées et peut-être sont-elles encore plus grandes en ces temps compliqués, parce que nous traversons une crise.
Ces derniers temps, lorsqu'il y a eu des cyclones, des catastrophes naturelles, des accidents, qu'a-t-on fait pour les personnes qui ont subi ces catastrophes ? Les institutions de l'État et les citoyens n'ont-ils pas immédiatement fait preuve de solidarité et n'ont-ils pas travaillé pour les prendre en charge ? Alors, comment pouvons-nous penser que ce que nous appliquons est du néolibéralisme ? Est-ce du néolibéralisme ou est-ce un énorme désir de continuer à perfectionner le socialisme ? Et de construire le socialisme avec ce que nous pouvons rendre possible aujourd'hui dans les circonstances que nous vivons, sans nier ni compromettre l'avenir de la construction socialiste que nous réaliserons à un moment donné, lorsque nous aurons surmonté ces circonstances.
Autre chose, qui est une certitude : ici, les moyens de production fondamentaux continuent d'appartenir au peuple, représenté dans l'État. Les principaux moyens de production ne sont pas entre les mains du secteur privé, ni gérés par le secteur privé. Ils sont gérés par des entreprises d'État, ils sont la propriété de notre peuple, et ici, il n'y aura pas de privatisation de ces moyens de production fondamentaux. Ce qui se passe, c'est que nous devons faire une œuvre de création héroïque, nous devons construire héroïquement et de manière créative le socialisme du 21e siècle à Cuba. C'est cela le but.
Je suis prêt à discuter de ces questions et à écouter, mais parfois c’est offensant, je ne pense pas que tout le monde le fasse dans cette intention, mais c’est offensant – je ne parle pas à titre personnel, je parle au nom du gouvernement et du Parti – alors que chaque jour nous sommes attentifs au moindre détail pour pouvoir donner un peu plus à la population, pour pouvoir perfectionner. Nous faisons des erreurs ? Oui, nous en faisons ! Ceux qui disent que nous sommes néolibéraux se trompent aussi, ils se trompent, et ce qu'ils tentent de faire, c'est de créer de la méfiance et du discrédit dans la Révolution. Il faudrait voir ce qu'ils feraient s'ils étaient dans notre position, à la direction du pays, comment ils feraient face à ces situations : tout d'abord, s'ils auraient le courage de faire face et d'affronter ces situations, et de continuer à croire au rêve de la construction socialiste, de continuer à croire en notre peuple, de continuer à se donner corps et âme au peuple.
Ce sont mes critères et mes convictions sur cette question, qui est une question complexe, parce qu'elle s'inscrit dans une situation économique et sociale très compliquée.
Maintenant, est-ce idéal, est-ce parfait ?
Par ailleurs, le monde a-t-il résolu ces questions ? Le monde est très complexe, on parle de l'inflation à Cuba. Nous, nous avons également une inflation induite. Mais, Arleen, j'ai la conviction – et c'est ce pour quoi nous travaillons tous les jours – que nous allons surmonter cette situation pour de bon, pour être meilleurs ensuite, pour avoir plus de capacités dans le présent et dans l'avenir.
Arleen Rodriguez : Un de nos amis communs, Osvaldo Martinez, un grand économiste, à qui je demandais à l’occasion quel était le modèle cubain, m'a répondu : « L'anti-modèle, parce que nous n'avons jamais pu faire ce que nous souhaitions faire. »
Miguel M. Diaz-Canel : Osvaldo a raison, nous avons toujours été confrontés à des circonstances et on a toujours tenté de nous ralentir et de stopper ce que nous avions entrepris. Mais un jour, nous y arriverons, Arleen, un jour, nous y arriverons !
Arleen Rodriguez : C'est-à-dire que nous n'abandonnons pas le rêve de construire le socialisme cubain du 21e siècle, avez-vous dit.
Miguel M. Diaz-Canel : Nous n’y renonçons pas.
Arleen Rodriguez : Nous nous trouvons aujourd'hui dans une situation compliquée, comme vous l'avez dit au début, une situation où, par exemple, dans le secteur de l'énergie, la disponibilité de devises est redevenue compliquée, elle a de nouveau ralenti les processus ; des mesures ont été prises qui ont interrompu d'importants processus de production, la science a été touchée, des secteurs stratégiques, la santé, la production de médicaments. Si vous deviez définir la situation que traverse Cuba actuellement, comment l'évalueriez-vous par rapport à d'autres périodes ? Que diriez-vous au peuple cubain quant à la nécessité de comprendre, de comprendre et de contribuer à la situation dans laquelle nous nous trouvons ?
Miguel M. Diaz-Canel : Tout d'abord, un point de vue sur le problème. Par exemple, dans les exercices que nous faisons tous les jours pour analyser la situation, où nous échangeons des idées et des critères pour comprendre également ce que nous vivons et comment y faire face, la plupart des camarades sont d'accord pour dire que le problème fondamental du pays est la faible disponibilité de devises, en raison des niveaux d'exportation, et aussi en raison des interruptions dans les envois d’argent, dans les crédits – Cuba est l'un des rares pays au monde qui fonctionne sans crédits – et d'autres personnes ont fait remarquer que le problème, c’est la production. Je pense que les deux sont étroitement liés.
Il est nécessaire de produire, parce que si vous ne créez pas de richesses, vous n'avez rien à distribuer, et encore moins lorsque nous aspirons à distribuer les richesses sur la base de la justice sociale, de la croissance, du développement social, et aussi sur la base de concepts d'équité. Mais bon nombre des processus de création de richesses à Cuba dépendent de certaines quantités de devises étrangères, si bien qu’il y a deux problèmes : nous vivons précisément à un moment où la production est très détériorée, et nous avons une faible disponibilité de devises. Vous pouvez me dire : « C'est impossible, personne ne peut se sortir de cette situation. »
Oui, on peut s’en sortir. Il y a des réserves, des réserves de productivité, des réserves d'épargne, on peut faire des choses avec un minimum de devises, et on peut en faire d'autres pratiquement sans devises. Le problème, c’est que nous devons y croire, et c’est une discussion politique, que nous avons en ce moment et de manière systématique lors de rencontres d’échange que nous avons eu récemment avec les bureaux provinciaux du Parti dans chacun des territoires. Car, ce à quoi nous ne pouvons pas renoncer, c’est aux rêves de prospérité possible pour notre pays, que ce peuple mérite comme personne.
Nous devons profiter des possibilités que nous avons en tant qu'État socialiste de planifier et de distribuer des ressources disponibles pour donner la priorité aux productions qui, en ce moment, pourraient nous donner plus de possibilités, et aussi pour protéger les personnes qui pourraient se trouver dans une situation de désavantage social ou de vulnérabilité, en préservant la plus grande justice sociale possible dans ces conditions.
Parce que nous sommes à un moment où il y a une contraction de la disponibilité de devises, ce qui signifie que nous pouvons acheter moins d'aliments, moins d'intrants, moins de matières premières. Cela a un impact sur les secteurs sociaux tels que la santé, l'éducation et la production de médicaments, qui restent cependant une priorité.
Il y a le problème des envois d’argent qui sont allés vers le marché illégal des devises, et ce marché illégal, en raison des insuffisances du marché légal, qui ne peut pas le contrecarrer, est devenu un lieu où se font les échanges illégaux, et où ils fixent pratiquement les taux de change, de même que les prix des produits. Tout cela conduit indubitablement à des déséquilibres et à des dérives dans l'économie.
Arleen Rodriguez : Et cela provoque des migrations.
Miguel M. Diaz-Canel : Et cela provoque des migrations.
Arleen Rodriguez : certaines personnes disent que des gens se font l’idée que, du fait qu’il n'y a pas de devises, il n'y a pas de devises pour acheter du carburant, il n'y a pas de devises pour la production, il n'y a pas de tourisme, il n'y a pas d'envois d’argent.
Miguel M. Diaz-Canel : Il n'y a pas d'issue.
Arleen Rodriguez : Il n'y a pas d'issue, alors les gens disent : « Je dois m’en aller, »
Miguel M. Diaz-Canel : Alors, il y a une augmentation de la migration en ce moment. Est-ce la première fois que nous avons cette augmentation de la migration ? Regardons l'histoire de la Révolution. À différentes époques, et surtout lorsque nous étions en crise économique, il y a eu des flux migratoires excessifs. Souvenons-nous des flux migratoires dans les premières années de la Révolution, souvenons-nous de Boca de Camarioca, souvenons-nous de Mariel.
Arleen Rodriguez : en 1994.
Miguel M. Diaz-Canel : Ce sont des situations qui se sont produites de manière cyclique, toujours lorsque le gouvernement des États-Unis a tendu la situation. Le pire, c'est qu'ils induisent une migration illégale, dangereuse et désordonnée qui coûte des vies.
Revenons donc à la période antérieure à Trump : la situation était différente, il y avait des visas pour les citoyens, des facilités de visa ; il y avait des services consulaires ; il y avait plus de possibilités pour les Cubains de rendre visite à leur famille à l'étranger, et pour la famille à l'étranger de leur rendre visite à Cuba ; il y avait plus de possibilités pour les envois d’argent, et tout cela a changé avec Trump.
À l'époque, les flux de rapatriement ont été également importants, c'est-à-dire qu'il n'y avait pas seulement de la migration, il y avait aussi beaucoup de rapatriement. Tout cela a été brutalement modifié par les mesures de Trump qui, entre autres, visaient également à créer une situation défavorable afin de rechercher un soulèvement social en relation avec la migration : les services consulaires ont été fermés à Cuba et étaient fournis dans d'autres pays, avec des limitations ; les gens devaient dépenser plus d'argent pour pouvoir acquérir un visa, avec plus d'insécurité. Ils ont même pris d'autres mesures pour nous priver des revenus du tourisme, comme récemment le visa automatique, le visa pour les citoyens européens : s'ils visitent Cuba, ils leur retirent le visa avec lequel ils peuvent facilement entrer aux États-Unis. Tout cela a entraîné une augmentation de l'immigration, en plus de la situation économique complexe.
Arleen Rodriguez : Et sans supprimer la Loi d’ajustement cubain.
Miguel M. Diaz-Canel : Et par ailleurs, les émigrants cubains sont favorisés par la Loi d’ajustement. Quant à nous, que préconisons-nous ? Une migration légale, sûre et ordonnée. Notre loi sur l'immigration le garantit, mais l'attitude du gouvernement des États-Unis ne le garantit pas, et cela provoque le désespoir, l'insécurité, et les gens se lancent dans des expériences totalement dangereuses et incertaines.
Il suffit de voir que les émigrants cubains quittent Cuba légalement et deviennent illégaux au cours du transit vers les États-Unis, et ils tombent entre les mains des coyotes, entre les mains des réseaux de trafic d'êtres humains et beaucoup perdent la vie ; d'autres perdent la vie en mer lorsqu'ils partent sur des radeaux peu sûrs. Cela crée une situation de désarroi et, humainement, c'est lamentable.
Les gens disent : bon, mais des jeunes s’en vont aussi, des professionnels, des femmes en âge de procréer, tout cela est vrai. Mais pourquoi ne pas parler aussi de ceux qui restent, de ceux qui trouvent un projet à Cuba, des milliers de Cubains que nous voyons chaque fois que nous nous rendons en province, dans les situations les plus compliquées, avec les mêmes contraintes, mais avec une tout autre idée, une conscience différente, une volonté différente de contribuer, et qui ont des projets de vie où le personnel et le social coïncident et qui ont des attitudes très héroïques ?
Je suis certain que dans la mesure où nous allons surmonter cette situation, tout cela va changer à nouveau et qu'il ne doit pas y avoir de rupture avec les Cubains qui quittent le pays pour des raisons économiques ou à cause de spéculations sur la situation migratoire. En fait, nombreux sont ceux qui souhaitent réaliser des projets à Cuba, et qui le font, afin que le pays aille de l'avant et que ce soit également des projets mutuellement bénéfiques pour eux, que ce soit à titre personnel ou pour leur famille. Nombreux sont ceux qui ont très à cœur d'améliorer la vie de leur famille, d'améliorer la vie du pays. D'autres, malheureusement, on les a remplis de haine.
Je pense que dans cette haine, il y a aussi le fait de ne pas reconnaître l'échec, parce que certains partent – je ne vais pas parler en termes absolus s'il y en a plus ou moins – mais ils ne trouvent pas vraiment « le rêve américain », ils se trouvent dans une situation plus défavorable, y compris, que celle dans laquelle ils auraient pu être à Cuba, du moins ils se trouvent dans une situation de plus grande insécurité sociale qu'à Cuba. Mais la haine qu’on leur a inculquée est telle qu'ils sont incapables de reconnaître que le pays où ils sont allés ne les a pas accueillis comme ils l'espéraient et ne leur a pas donné les possibilités qu'ils attendaient, et ils se retournent contre Cuba, contre la Révolution, comme si c'était la Révolution qui les avait poussés à prendre cette décision.
Ce sont des phénomènes qui font partie de la psychologie sociale, du comportement social en temps de crise, lorsque les relations entre Cuba et les États-Unis sont d’une extrême asymétrie et lorsqu'elles sont marquées, surtout, par une politique de pression maximale du gouvernement des États-Unis à l’encontre de Cuba, une politique de génocide, une politique d'étranglement, ce qui provoque toutes ces choses.
Nous devons savoir quelles sont les causes réelles, nous devons voir quelles sont les origines, nous ne pouvons pas désespérer. Il faut aussi trouver, intelligemment, quelles relations entretenir avec ces émigrés cubains, comment travailler avec les jeunes pour qu'ils ne désespèrent pas. En fait, nous venons d'approuver une politique pour les enfants, les adolescents et les jeunes qui tient compte de beaucoup de choses qui peuvent être des problèmes pour les jeunes et je crois que dans tout cela, nous allons surmonter des situations.
Maintenant, ce qui est certain, c'est que nous avons de profonds déséquilibres fiscaux et monétaires qui ont provoqué des processus tels que l'inconvertibilité de la monnaie, l'accélération de l'inflation, la dépréciation du taux de change informel, l'apparition et le développement d'un marché informel de devises, des choses qui sont présentes dans presque tous les pays aujourd'hui, mais je ne m'y arrêterai pas, parce que nous sommes préoccupés par nos problèmes.
L'élément le plus visible de tous ces déséquilibres est le manque d'offre sur les marchés étatiques, associé à l'inflation, et c'est là que la critique que nous venons de voir sur les MPME se renforce, parce que ces formes non étatiques ont aussi trouvé un espace où l'État aujourd'hui n'a pas grand-chose à offrir et, dans certains cas, les prix ont été abusifs, des prix spéculatifs. Dans tout cela, il y a aussi les effets de la pandémie dans le pays et, bien sûr, l'intensification du blocus.
Nous avons été frappés durant cette période, dans cette situation particulière, par les pénuries de carburant pour les raisons que nous avons déjà expliquées.
Les problèmes sociaux ont bien sûr beaucoup à voir avec cette situation économique, mais nous avons pris des mesures. Nous disposons d’une Stratégie économique et sociale qui comprend un programme de stabilisation macroéconomique, qui, comme je le disais tout à l'heure, sont des mesures que nous devons appliquer progressivement, de manière très appropriée, pour éviter que les situations ne se compliquent, parce qu'elles comportent toutes des risques très élevés. C'est pourquoi nous proposons comme principe que tout ce que nous appliquons et concevons tienne compte des personnes en situation défavorisée ou de vulnérabilité, des femmes, des jeunes, des enfants et des adolescents, des personnes âgées, pour ne citer que quelques secteurs, afin que les analyses soient vraiment complètes et que nous puissions gérer les risques et les difficultés.
Arleen Rodriguez : Monsieur le Président, je voudrais m'arrêter un instant, parce que lorsque vous parlez de politique contre le racisme, de politiques pour la promotion de la femme, de politique pour les jeunes, pour les personnes âgées, parfois, il semble que c’est un discours politique, mais qui a un contenu concret en réalité, par exemple, est-ce qu’il permet d’obtenir un logement ? En quoi consiste le changement de politique ?
Miguel M. Diaz-Canel : il faut dire que cela concerne des problèmes très différents. Tout d'abord, il est idéaliste de penser qu'en 60 ans de Révolution, indépendamment de toute l’œuvre sociale de la Révolution et de son énorme dimension, tous les vestiges du colonialisme, qui a apporté avec lui le patriarcat et la discrimination raciale, ont été résolus. Nous le reconnaissons donc, avec courage, et il existe un programme visant à éviter, dans la mesure du possible, les manifestations de discrimination, qui comprend des aspects juridiques, des aspects judiciaires visant à protéger la dignité des personnes et à garantir qu’elles ne soient pas désavantagées du fait de ces positions.
Dans le cas du Programme national de promotion des femmes, tout en continuant à accroître les possibilités de promotion de la femme, nous menons une lutte acharnée contre la violence de genre, une question qui, comme vous le savez, est très complexe à traiter, car bien souvent les femmes exposées à la violence de genre ne la dénoncent pas, de sorte qu'il faut également prévoir un soutien social, un travail intégral, un travail d'éducation.
Et tôt ou tard, nous appliquerons également les mesures relatives à la subvention des personnes et non des produits, de manière progressive, en calculant et en mesurant bien. Mais il y a aussi d'autres choses que nous proposons pour le développement du pays. Tout d'abord, promouvoir le développement territorial et généraliser les bonnes expériences que nous avons déjà dans certains endroits. Je ne cesse de répéter : pourquoi de bonnes expériences existent-elles dans certains lieux sur presque tout ce qui doit être fait dans le pays ? C'est l'une des questions que nous abordons lors de ces réunions territoriales.
Arleen Rodriguez : Qui sont par la voie... ?
« Nous connaissons tous l'héroïsme des travailleurs secteur électro-énergétique en ces temps de crise de l'énergie et de production d'électricité »
Miguel M. Diaz-Canel : De vidéoconférences, je l'expliquerai plus tard. Nous renforçons les systèmes locaux de production, parce qu'il faut qu'il y ait des systèmes productifs qui soient subordonnés à la municipalité pour qu’elle puisse exercer son autonomie et deviennent la source de développement de ces municipalités. Nous nous intéressons aux projets de développement local, plusieurs entreprises municipales ont été créées, par exemple, pour la production alimentaire.
Certaines mesures ont été appliquées sans discernement dans un lieu ou dans un autre pour tenter de plafonner les prix ; elles n'ont pas donné beaucoup de résultats et nous insistons sur le fait que ce qu'il faut faire, c'est produire. Dans la mesure où nous offrirons plus de produits et de services à la population, les prix baisseront et le reste de l'économie se rétablira.
Nous avons tout un ensemble de propositions pour que, par le biais du marché des changes, nous puissions également promouvoir le développement d'entreprises, tant dans le secteur étatique que dans le secteur privé, qui sont orientées vers la production fondamentale et qui, surtout concernant les entreprises privées, qu’elles sortent du marché illégal des changes et, par conséquent, opèrent avec un taux de change qui peut faciliter l'obtention de meilleurs prix. Mais quelle est la limitation, la disponibilité des devises étrangères dont nous disposons pour ce marché ?
Nous avons analysé la manière de faire face au problème de la relation salaire-prix, à quel moment augmenter les salaires, augmenter les pensions minimales et les salaires minimaux, mais aussi en conjonction avec une plus grande offre de biens et de services afin que l'augmentation des salaires ne se traduise pas par une augmentation des prix.
Nous continuons à appliquer des alternatives pour les personnes à faibles revenus. Par exemple, aujourd'hui, avec les modules alimentaires qui nous parviennent par donation, nous donnons la priorité aux personnes en situation de vulnérabilité.
Nous avons donné plus de pouvoirs aux entreprises étatiques, nous avons même ouvert leurs objets, parce que nous défendons le fait que si une entreprise, aujourd'hui, en raison de problèmes de carburant ou de financement, ne dispose pas de toutes les conditions pour remplir ses fonctions principales, mais peut faire d’autres choses, auxquelles elle peut s'associer et profiter de sa main-d'œuvre pour créer des biens et offrir des services, cela améliorera la situation de la population et garantira un meilleur comportement de l'entreprise.
Toutes ces questions font partie du débat quotidien dans le programme du gouvernement et dans celui du Parti. De nombreuses personnes travaillent sur ces questions afin d'avancer et nous avons des groupes de spécialistes en économie et des juristes.
Arleen Rodriguez : Beaucoup viennent ici, je le sais parce que je les vois. Parfois, on se croirait à l'Université de La Havane ou à l'Université de Cuba, pour le dire clairement.
Miguel M. Diaz-Canel : C’est un Palais des sciences, et les gens critiquent parfois le fait que nous nous tournons vers la science, ils se demandent pourquoi tant de réunions. Je crois vraiment que la science et l'innovation apporteront des solutions au pays, et je crois et je suis convaincu, Arleen, qu'il n'y a pas de solutions magiques.
Les gens demandent : « Pourquoi n'appliquez-vous pas les mesures de la Période spéciale ? » Tout ce qui concerne la période spéciale est déjà appliqué : la possession de devises a été dépénalisée, les investissements étrangers ont été ouverts, le tourisme a été ouvert, des magasins en devises ont été ouverts, tout cela est déjà fait, tout cela est déjà fait !
Ce que je crois, c'est qu’il faut créer des richesses matérielles et que, dans les conditions actuelles, nous devons être capables de produire et de distribuer le peu que nous avons avec le meilleur concept possible d'équité et de justice sociale, en maintenant l'unité. C'est ainsi que nous allons avancer, et oui, il y a des moyens de s'en sortir, et nous allons nous en sortir, j'en suis convaincu.
Maintenant, est-ce que cela va être rapide ? Non, parce que les questions sont compliquées. Cela se fera demain ? Non. Mais il faut travailler et créer les conditions et, surtout, il faut faire prendre conscience que nous pouvons le faire, faire en sorte de croire que nous pouvons le faire.
Arleen Rodriguez : Monsieur le Président, ces réunions qui ont lieu, que vous avez mentionnées, avec les gouvernements locaux, les provinces, par le biais de vidéoconférences – vous en avez parlé tout à l’heure – cela signifie-t-il que la solution pourrait se trouver au niveau local ?
Miguel M. Diaz-Canel : Tout d'abord, parlons de ces réunions que nous avons avec les bureaux provinciaux du Parti dans chaque province, et que nous tenons en vidéoconférence, parce qu'elles auraient dû se faire lors de tournée....
Le contexte : en janvier, nous avons fait le tour de toutes les provinces et nous avons tenu ces réunions avec les gouvernements locaux, le Parti, l'administration, le système des entreprises, les acteurs économiques, parce que nous avons décidé que cette année devait être une meilleure année. Les provinces nous ont donc présenté leurs stratégies de développement pour cette année.
Ensuite, vers la mi-avril, nous avons effectué une tournée pour contrôler comment ces engagements étaient respectés – tout cela au milieu de ces situations -– et maintenant nous devions le faire en septembre, nous l'avons un peu reporté à cause des engagements internationaux que nous avions dans le cadre de la présidence du groupe des 77, puis nous devions le faire en octobre, mais nous avons été confrontés à cette situation complexe de l’énergie. Il était donc irrationnel pour un certain nombre de compagnons de se présenter dans les provinces en ce moment, parce que nous avons beau rationaliser l’utilisation des véhicules de transport et de l'essence, c'était une dépense, et nous avons décidé de ne pas perdre de temps et de faire cette réunion virtuellement, en utilisant un système de vidéoconférence sécurisé dont nous disposons. Nous l'avons fait province par province et cela n'a pas du tout affecté la qualité, cela ne nous a pas permis le contact face à face, qui est toujours si positif, mais nous avons été en mesure de faire des analyses très complexes.
Tout d'abord, une compréhension de la situation actuelle, à savoir, de tout ce que nous avons vécu au cours de l'année et, en particulier, en ce moment. Ainsi, ils se sont également concentrés sur la façon dont un groupe d'indications que nous avons données pour surmonter la situation actuelle ont été respectées, et aussi comment nous continuons à travailler dans tout ce qui a été programmé, planifié depuis janvier, selon le concept que tout le monde peut contribuer, que nous devons mettre l'accent sur les économies et l'efficience énergétique. Nous avons recherché et examiné les expériences de la Période spéciale ; nous analysons également les actions que nous avons mises en œuvre et que nous devrions maintenir, afin que, si nous nous retrouvions à nouveau dans une telle situation, nous ayons déjà des solutions aux problèmes.
Nous avons beaucoup insisté sur l’exigence et le respect des fonctions des institutions de l'État dans tous les domaines, car il nous arrive parfois d’observer des lacunes qui n'ont rien à voir avec le blocus ou les problèmes économiques, mais qui sont liées au mauvais fonctionnement d'entités ou d'institutions de l'État.
Nous avons accordé une grande importance à la lutte contre la corruption et la criminalité ; nous avons analysé la lutte contre les plans de subversion politique et idéologique de l'ennemi et nous avons recommandé de travailler de manière organisée à partir de la communauté, de la municipalité afin de promouvoir le développement, car si la municipalité est capable de produire, de se développer et de surmonter les problèmes, la province et le pays les surmonteront. Mais cela ne signifie pas que nous laissons les municipalités seules, ou que les municipalités sont responsables de tout. Mais nous devons produire, nous devons élargir l'offre pour que les prix diminuent, nous devons poursuivre les programmes de transformation sociale dans les quartiers, l'attention portée aux personnes les plus défavorisées.
Le système d'entreprises doit tirer parti de toutes ses potentialités et ne pas se cacher derrière le fait qu’il manque de carburant ou de financement, et faire tout le reste qu'il peut faire sans limitations. Disons que je ne peux pas faire ceci, mais qu'en est-il de tout ce que je peux faire d'autre ? Combien d'entreprises disposent-elles de forces capables d'aller réparer des écoles, du mobilier scolaire, des polycliniques, des hôpitaux, de participer au programme de logement, de produire des aliments pour améliorer la situation alimentaire de leurs travailleurs et des familles de leurs travailleurs qui font partie de la population, et combien de services pourraient-elles fournir à la population, combien de choses peuvent-elles être faites qui ne le sont pas ? C'est aussi ce à quoi nous réfléchissons.
L'autre aspect est la production d’aliments, qui est fondamentale : comment parvenir à la souveraineté alimentaire au niveau municipal ? Que faut-il faire dans chaque communauté, dans chaque municipalité ? Comment contrôler l'utilisation des terres ? Comment utiliser les terres en friches. ?
Arleen, parfois nous voyons des contradictions : au milieu de toute cette situation, je suis arrivé dans des communautés rurales où il n'y a pas une bananeraie, pas un champ d'arbres fruitiers, on ne voit pas un poulet, ni une vache ni un cochon, et on se dit : qu'est-ce qu'ils attendent? Que leur nourriture soit celle que le pays importe, alors qu'ils devraient produire pour eux-mêmes et pour apporter à d'autres ? Nous devons donc examiner tout cela, cela fait partie du processus d'analyse des insuffisances et des erreurs que nous mettons en place afin de les partager et d'en débattre publiquement.
Il y a toutes les exportations que nous pouvons promouvoir, il y a aussi la façon dont nous gérons l'innovation pour résoudre les problèmes, la façon dont nous soutenons la bancarisation, en commençant par les entités publiques qui, même si c'est progressif – ce n'est pas pour les calendes grecques – doivent créer les passerelles pour que le commerce électronique puisse se développer.
Nous avons parlé des MPME, de la manière d'établir des relations adéquates entre les secteurs étatiques et non étatiques, de clarifier tout cela et de voir les enchaînements qui existent entre les secteurs étatiques et non étatiques, et comment nous pouvons parvenir à un cadre réglementaire précis, clair et cohérent.
Nous avons beaucoup parlé des systèmes de travail. Le Parti doit s'occuper de tout, avec les méthodes et le style du Parti, sans supplanter des fonctions, mais en s'occupant de tout, il faut aussi s'assurer que le gouvernement gouverne, que l'administration administre, que l'entreprise joue son rôle et que les acteurs économiques du secteur non étatique le jouent également, et que les organisations sociales jouent aussi leur rôle dans la société.
Pour cela, il faut faire des analyses rigoureuses et exigeantes, il faut plus que jamais un lien énorme avec la population et avec notre peuple, il faut un débat constant avec la population, il faut continuer à concevoir des espaces grâce auxquels la population puisse poser ses problèmes, mais aussi proposer des solutions, et être réceptif pour pouvoir intégrer tout cela.
Et la nécessité d'un travail plus coordonné entre l'Assemblée municipale du Pouvoir populaire, qui est composée des délégués de circonscription, qui ont été nommés, désignés et élus par le peuple et qui représentent le peuple, laquelle est l'organe suprême de l'État et du gouvernement au niveau municipal, et le Conseil d'administration, qui est l'organe exécutif, opérationnel et administratif à la disposition de l'Assemblée municipale du Pouvoir populaire pour mettre en œuvre tout ce qu'elle approuve.
Par conséquent, il doit y avoir un travail très coordonné entre le président de l'assemblée municipale du Pouvoir populaire, l’intendant et, en plus, le gouverneur de la province doit être en mesure de promouvoir aussi une articulation de toutes les politiques nationales, provinciales et municipales, sans réduire l'autonomie de la municipalité, ce Conseil provincial de gouvernement où se trouvent le président et le vice-président des assemblées municipales et les intendants de toutes les municipalités.
Tout cela, Arleen, axé sur quoi ? Sur la gestion territoriale, pour ce que vous me demandiez tout à l'heure et que nous défendons en tant que concept. Tous les processus que nous prenons en charge : la production alimentaire, la lutte contre la criminalité, les relations appropriées entre l'État et les secteurs non étatiques, le développement territorial, la gestion de l'innovation, l'attention portée aux personnes ayant davantage de problèmes ou présentant certains désavantages, l'attention portée aux programmes sociaux, la recherche de potentialités de développement endogène, le renforcement des systèmes productifs locaux, tout cela est géré dans la municipalité, il faut le faire dans la municipalité. Nous devons donc veiller à ce que cette gestion territoriale soit forte afin de progresser dans tout ce que nous souhaitons.
Arleen Rodriguez : Monsieur le Président, je voudrais aborder le sujet de vos tournées à l'étranger, qui me semblent également très intéressant, mais je voudrais clore ce sujet de la dynamique nationale et des problèmes les plus récents.
Beaucoup de mes collègues me disent que le problème le plus grave est celui de la communication, et je sais que vous y attachez aussi beaucoup d'importance ; mais ils parlent : un, de la réunionite, du fait que l’on voit trop de réunions au Journal télévisé ou dans nos médias, etc. et que l’on voit peu la matérialisation de la valeur de ces réunions, ça, c’est un ; mais il y a un autre phénomène qui s'est produit récemment. Lorsqu'il y a eu la rumeur, le ragot, la fausse nouvelle, comme vous dites, selon laquelle la disponibilité de carburant allait être nulle, le ministre de l'Énergie et des Mines, le vice-Premier ministre et le ministre de l'Économie et de la Planification se sont présentés à la télévision, et le ministre de l'Énergie et des Mines nous a tous convaincus que cela ne se produirait pas, il a annoncé une date : « Le 3 octobre, Energas va se remettre en route, la situation va s'améliorer », et beaucoup de gens se sont demandé pourquoi donnons-nous des dates si nous dépendons de tant de facteurs externes, parce qu'après cela, il y a eu certaines des pires coupure d'électricité que nous ayons jamais eues.
Miguel M. Diaz-Canel : Avant d'en arriver là, je voudrais aborder certains éléments de votre question.
J'insiste, la réunionite est une chose en tant qu'excès et une autre chose est l'espace que l'on peut appeler réunion, rencontre, atelier, mais où un groupe de personnes doit parvenir à un accord et doit construire un consensus pour faire face à la situation, parce que nous faisons cela même dans la famille, la famille ne se réunit-elle pas ? Je dis cela parce qu'il me semble que certains critères sont très exagérés et qu’ils déforment un peu les objectifs, qu’ils déforment la réalité, sans objecter que l’on fait certaines choses d'une manière incorrecte et qu’elles doivent être améliorées.
Dans une famille, lorsqu'il y a un problème, ne se réunit-on pas pour essayer de le résoudre ? Trouve-t-on toujours la solution, fait-on toujours ce qu'il faut, ou fait-on aussi des erreurs ? C'est ça la vie, parce que les familles sont les cellules fondamentales de la société. Cela nous arrive aussi au niveau social et au niveau des institutions.
Pour ce qui est de la Table ronde, à laquelle vous avez fait référence, où Alejandro et Vicente, respectivement vice-Premier ministre et ministre de l'Énergie et des Mines, ont donné des informations, ces derniers temps, nous avons systématiquement fait venir différents ministres, plus étroitement associés aux situations que nous traversons, pour informer la population.
Nous ne mentons pas, les informations dont nous disposions et les perspectives que nous avions au moment où ils ont informé étaient celles que Vicente a communiquées. Le fait est que dans la vie, des événements imprévus se produisent également : le bateau de carburant est arrivé et nous ne disposions pas de toutes les devises disponibles pour assurer le paiement, si bien que la livraison de carburant a été ajournée. De ce fait, le déficit de carburant s’est prolongé de quelques jours par rapport à ce que Vicente avait annoncé, en d'autres termes, il n'a pas menti, il a donné l’information et ce sur quoi nous travaillions ce jour-là, mais la situation a changé. Chaque jour, dans la matinée, nous expliquons quelle est la situation énergétique et la situation de la production d'électricité. Nous le faisons parce que c'est ce que nous avons appris : ne pas dire de mensonges, quelle que soit la difficulté des situations, nous devons y faire face et avec la vérité, qui est l'un de nos concepts.
Nous défendons toujours le fait que, dans la manière de faire de la politique, il doit y avoir de l'éthique, c'est-à-dire travailler sur la vérité ; il doit y avoir le droit, c'est-à-dire la défense de ce qui est juste, et il doit y avoir la culture et l'histoire, parce que c'est là que se trouvent le contexte et les réponses aux solutions à nos problèmes.
Je pense que nous allons également surmonter cette situation, nous avons déjà travaillé pour assurer les livraisons de carburant dont nous avons besoin, pas en abondance, mais nous avons besoin de revenir à une situation comme celle que nous avons connue précédemment pour ce mois d'octobre, et nous travaillons déjà pour avoir des approvisionnements stables pour novembre et décembre.
Arleen Rodriguez : Dans les conditions que nous venons de voir, même un don peut être...
Miguel M. Diaz-Canel : Dans des conditions de pression. Par exemple, une agence étasunienne a voulu faire pression sur une entreprise mexicaine parce qu'elle « donnait » du pétrole à Cuba, en d'autres termes, la pression apparaît partout, elle se poursuit partout. On voit souvent des posts et des nouvelles rapportés dans les dépêches, de la part de haineux, dans lesquels ils disent : un navire de tel ou tel pays entre à Cuba avec du carburant, c’est à dire il y a une surveillance, une traque énergétique du pays, tout cela dans le but malveillant et pervers que le pays ne dispose pas du carburant dont il a besoin pour vivre. Que peut-on attendre de personnes qui agissent de la sorte et condamnent un peuple à vivre avec des restrictions ?
Arleen Rodriguez : Ces mêmes personnes qui haïssent, chaque fois que vous effectuez un voyage à l'étranger, une visite dans un autre pays, même dans le cadre de vos responsabilités en tant que chef d'un État qui dirige temporairement le Groupe des 77, par exemple, ou lors d'une réunion aussi cruciale et importante que celle des BRICS en Afrique du Sud, spéculent et les moins agressifs disent : « Quels sont les avantages de ces voyages ? » Pourrait-on quantifier les bénéfices ?
Miguel M. Diaz-Canel : Lors de ces voyages, des négociations et des accords d'intérêt mutuel sont conclus, des investissements sont débloqués, des facilités de paiement pour les dettes sont obtenues et un niveau de relation internationale est atteint qui évite l'isolement qu'ils veulent provoquer à l’égard de notre pays.
Cette année en particulier, de nombreux voyages ont été motivés par la responsabilité que nous avons à la tête du groupe des 77, et nous ne sommes pas allés seulement en tant que Cuba, nous y sommes allés au nom du groupe des 77, et il y a un groupe d'événements internationaux où le groupe des 77 doit être présent et qui ont impliqué notre présence.
Tout d'abord, il y a eu des résultats politiques, et il faut regarder les opinions sur la participation cubaine au Sommet des 77, au Sommet des BRICS, à l'Assemblée générale des Nations Unies. Lors de tous ces voyages, des accords ont été signés et nous avons obtenu un soutien quasi unanime à la condamnation du blocus et à la demande de retrait de Cuba de la liste fallacieuse des pays soutenant le terrorisme.
Ces voyages ont débouché sur des accords concrets en matière d'investissement et de commerce, qui ne peuvent être conclus qu'à l'occasion de réunions à haut niveau, qui ne peuvent être conclus à aucun autre niveau, et c'est là la réussite. Maintenant, la mise en œuvre de ces accords nécessite le travail d'équipes techniques, d'équipes diplomatiques, et toutes les négociations ne se font pas en quelques jours, elles prennent des mois. Par conséquent, parmi toutes les choses que nous avons obtenues au cours de nos récents voyages, il y en a une série qui est en cours de réalisation et qui sera mise en œuvre à moyen terme.
Nous ne pouvons malheureusement pas rendre public tout ce que nous avons réalisé au cours de ces voyages, car l'ennemi nous surveille et tente de détruire tout ce que nous faisons. Nous connaissons des lieux où nous sommes allés et où nous avons mené à bien une négociation importante, mais où l'ennemi est venu ensuite pour faire pression sur le pays concerné pour qu'il ne respecte pas ses engagements envers nous.
Arleen Rodriguez : Sur la base de ces mêmes pressions, de ce harcèlement, de cette malveillance déchaînée, lors de votre récent voyage à New York, vous avez eu des réunions privées, auxquelles la presse, pas même votre presse, n'a pas eu accès, avec des personnalités politiques étasuniennes, quelle compréhension avez-vous trouvé sur la situation à Cuba ?
Miguel M. Diaz-Canel : Tout d'abord, ces réunions ont été l'occasion de parler, d'expliquer, d'exposer des points de vue et de dissiper les doutes que ces personnalités avaient sur certains événements à Cuba en raison de la propagande et de la campagne de désinformation et de discrédit contre la Révolution cubaine, et je pense que nous y sommes parvenus. Dans tous les cas il y a eu compréhension, il y a même eu des gens qui nous ont embrassés lorsqu'ils ont été convaincus de quel côté était la raison. Par conséquent, je pense que dans ces réunions nous avons obtenu de la compréhension sur la situation à Cuba, de l’admiration pour le peuple cubain qui a été capable de résister et les conditions dans lesquelles nous l'avons fait et, surtout, de la sensibilité aux problèmes de Cuba et un très grande disposition à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour obtenir un changement dans la politique du gouvernement des États-Unis à l'égard de Cuba et pour que Cuba soit retirée de la liste des pays soutenant le terrorisme.
Un autre élément, Arleen, plusieurs personnes ont éprouvé de la tristesse et une honte évidente – elles nous l'ont dit – face aux actions de ces gouvernements à l'égard de notre pays.
Arleen Rodriguez : Monsieur le Président, Cuba vient d'être réélu... enfin, pas réélu, mais élu, mais pour la sixième fois, membre du Conseil des droits de l'Homme des Nations unies. Cela a suscité beaucoup d'irritation, parce qu'il y a eu une grande campagne contre cette possibilité. Comment voyez-vous cette question, qui a été un cheval de bataille à l'intérieur et à l'extérieur de Cuba ?
Miguel M. Diaz-Canel : Nous parlons de la question des droits de l'Homme, une question qui a été manipulée pendant de nombreuses années, sciemment, et d’un discours de deux poids deux mesures de la part de la communauté internationale et des soi-disant dirigeants de cette communauté internationale. N'oublions pas que nous avons vécu de nombreux événements au cours desquels 50 États de cette communauté, qui compte plus de 190 pays, soutiennent quelque chose et cette chose est légitimée comme si elle était approuvée par la majorité, parce que tout peut être manipulé.
Cuba, un pays comme le nôtre, à vocation humaniste, à vocation de solidarité, à vocation de service au monde, partageant ce que nous avons, non pas ce que nous avons en trop, ils ont voulu la mettre au banc des accusés. Cette même Cuba qui envoie des médecins et non des bombes ; cette Cuba qui envoie des enseignants là où d'autres envoient des soldats ; cette Cuba qui n'intervient pas et coopère solidairement là où d'autres « soutiennent » par des interventions et des agressions ; cette Cuba qui a affronté la pandémie à l'intérieur et à l'extérieur du pays selon des principes de solidarité humaine auxquels on ne peut renoncer, y compris dans les pires circonstances. C'est cette Cuba-là qu'ils veulent condamner.
Je me demande, Arleen, en toute logique et, je crois aussi, en toute légitimité en tant que Cubain : quand la communauté internationale mettra-t-elle le gouvernement des États-Unis au banc des accusés pour avoir violé les droits de l'Homme ? Quand les États-Unis devront-ils répondre de la violation des droits de l'Homme que constitue le blocus génocidaire qu'ils appliquent depuis plus de 60 ans à Cuba ? Quand les États-Unis vont-ils rendre des comptes pour avoir attisé les conflits internationaux, comme ils ont attisé le conflit européens ?
Et quand les États-Unis devront-ils rendre des comptes en tant que violateurs des droits de l'Homme, alors qu'ils ont violé les droits des peuples du Moyen-Orient, de la Palestine, du peuple syrien, qui ont constamment vécu sous les attaques, sous les bombardements des troupes israéliennes soutenues par le gouvernement des États-Unis, et une politique discriminatoire qui viole les droits de ces peuples et les droits des autres peuples du monde, qui viole les droits de tous les peuples où il y a des gouvernements qui ne veulent pas du modèle capitaliste, où il y a des gouvernements qui s'opposent aux États-Unis ? Pourquoi les États-Unis n'ont-ils jamais été accusés de violer les droits de l'Homme, alors qu'ils sont probablement le gouvernement qui a violé le plus de droits humains dans le monde, de son propre peuple et d’autres peuples de la planète ?
Je pense donc que l'élection de Cuba au Conseil des droits de l'Homme, une nouvelle fois, est avant tout une reconnaissance de la cohérence, du courage et de la manière dont nous avons fermement défendu nos principes, ainsi qu'une reconnaissance de la solidarité avec laquelle Cuba a soutenu d'autres pays dans le monde. C'est donc une expression de reconnaissance et je dirais aussi d'admiration, de respect pour Cuba et de soutien, si bien que cette élection est une victoire politique et diplomatique de la Révolution cubaine. C'est une victoire de la Révolution cubaine !
Arleen Rodriguez : Eh bien, plusieurs victoires d'affilée, et je crois qu’elles ont contrarié.
Miguel M. Diaz-Canel : Sommet du Groupe des 77, Assemblée générale des Nations unies.
Arleen Rodriguez : Le Sommet du G-77 nous a permis de voir ce monde avec ses complexités.
Miguel M. Diaz-Canel : Et il a permis d'établir un consensus avec lequel les pays du groupe des 77 se sont rendus à l'Assemblée générale des Nations unies.
Arleen Rodriguez : Exactement, et la participation de Cuba aux Nations unies, je le sais, parce que je l'ai vue et j'ai vu deux mondes opposés, certains serviteurs « du passé dans une nouvelle coupe », comme dirait Silvio Rodriguez, essayant de manifester contre leur propre pays d'origine et absolument en minorité là-bas, le reconnaissant eux-mêmes, et un peuple étasunien solidaire de Cuba.
Miguel M. Diaz-Canel : Je n'oublierai jamais : un samedi soir, dans une institution publique, plus de 900 jeunes Étasuniens soutenant Cuba et le Venezuela.
Arleen Rodriguez : C'était vraiment impressionnant et émouvant.
Je m'arrête là, je ne prends pas plus de temps à votre famille, à votre repos, mais je reviens sur le sujet de la communication. Devrons-nous attendre un autre entretien que vous pourrez nous donner, que vous pourrez donner à l'équipe de communication ou à n'importe quel média cubain dans des situations comme celle-ci ?
Miguel M. Diaz-Canel : Arleen, je suis toujours prêt à communiquer et j'ai également exigé de nos camarades de la direction du Parti, de la direction du gouvernement, de nous tous qui avons des responsabilités, qui sommes des serviteurs publics, qui sommes des serviteurs de notre peuple, que nous informions systématiquement la population sur les questions qui relèvent de leur compétence. Non seulement informer et communiquer, mais aussi rendre des comptes. C'est pourquoi, ces jours-ci, une dynamique s'est mise en place autour des problèmes que nous rencontrons, mais le problème n'est pas seulement de le faire dans des moments complexes, c'est que cela devienne quotidien.
Il y a aussi une responsabilité des médias, des médias de presse, qui doivent le faire avec maîtrise, avec professionnalisme, parce que si nous surchargeons les gens d'informations, si cela n'est pas fait d'une manière attrayante, c'est pire, mais je vous promets que nous avons la volonté de le faire.
L'équipe de presse de la présidence a réfléchi à l'idée, je pense qu'ils sont en train de la concevoir – je suis prêt à coopérer – de chercher des espaces plus systématiques dans lesquels nous fournirons constamment des informations à la population.
Arleen Rodriguez : Vous l'avez demandé à votre équipe, je le sais.
Miguel M. Diaz-Canel : J'ai demandé à l'équipe, mais je l'ai laissée la concevoir parce qu'elle est spécialisée dans ce domaine et parce que j'ai une grande confiance en elle, parce que c'est une équipe jeune, talentueuse, innovante et très enthousiaste, qui donne aussi très beaucoup d’énergie, qui ressent les problèmes du pays avec nous, qui cherche constamment ce qui peut être fait, comment nous pouvons mieux communiquer, et à qui je suis très reconnaissant pour tout le soutien qu'elle nous apporte. Peut-être allons-nous surprendre et la semaine prochaine ou dans quinze jours, serons-nous plus présents.
Quoi qu'il en soit, chaque jour est une occasion de communiquer quelque chose, parce que chaque jour nous travaillons sur les problèmes du pays.
Arleen Rodriguez : Eh bien, il y a eu une fuite : il devrait y avoir un espace, qui va peut-être sortir des réseaux.
Miguel M. Diaz-Canel : Et quel nom on lui donne ?
Arleen Rodriguez : C’est vous qui le nommez, parce que vous allez être le directeur, je crois, on m'a dit que vous alliez être le directeur.
Miguel M. Diaz-Canel : Je pense qu’aspirer à être directeur, c’est beaucoup, je pourrais être un participant.
Arleen Rodriguez : Quel nom lui donneriez-vous si vous deviez donner l’information ?
Miguel M. Diaz-Canel : Aidez-moi.
Arleen Rodriguez : Vous allez donner l’information.
Miguel M. Diaz-Canel : C'est officiel ?
Arleen Rodriguez : Eh bien, qui sait si le nom vient de là.
En tant que Premier secrétaire du Parti communiste de Cuba, président de la République, précédé par des héros de ce pays comme Fidel Castro, Raul Castro, lorsque vous vous réveillez chaque matin en sachant que le monde ne va pas mieux parce que des bombes tombent sur Gaza, ou que la question des prix, de la nourriture, de l'alimentation, du changement climatique, continue de nous faire trembler, où trouvez l'énergie pour vous lever et sortir pour livrer bataille ?
Miguel M. Diaz-Canel : Dans le peuple, Arleen, dans ce peuple héroïque. Cet entretien ou cette rencontre ne peut pas s’achever sans que j’aie l'occasion de toujours remercier notre peuple pour son héroïsme, son soutien, sa compréhension et sa contribution. C'est pour cette raison que la Révolution est invincible, grâce à ce peuple !
Arleen Rodriguez : Je vous remercie.
Miguel M. Diaz-Canel : Merci à vous.