Ce sera toujours un honneur de lutter pour la justice

Discours prononcé par Miguel Mario Diaz-Canel Bermudez, Premier secrétaire du Comité central du Parti communiste de Cuba et président de la République, lors du débat général de la 78e Période ordinaire de sessions  de l'Assemblée générale des Nations unies, à New York, le 19 septembre 2023, « Année 65 de la Révolution »

(Traduction de la version sténographique de la Présidence de la République)

 Monsieur le Président,

Monsieur le Secrétaire général,

Excellences,

J'apporte à cette Assemblée la voix du Sud, la voix des « exploités et des vilipendés », comme on entendit Che Guevara le dire dans cette même salle il y a presque 60 ans.
Des peuples divers confrontés à des problèmes communs. Nous venons de le confirmer à La Havane, qui a eu l'honneur d'accueillir le Sommet des dirigeants et autres représentants de haut niveau du Groupe des 77 et la Chine, le rassemblement de nations le plus représentatif, le plus large et le plus diversifié de la sphère multilatérale.
Pendant deux jours, pratiquement sans interruption, plus de 100 représentants des 134 nations qui composent le Groupe ont élevé leur voix pour exiger des changements qui ne peuvent plus être reportés dans l'ordre économique international injuste, irrationnel et abusif, qui a creusé, année après année, les énormes inégalités entre une minorité de nations hautement développées et une majorité qui ne parvient pas à dépasser l'euphémisme de « nations en voie de développement ».
Pire encore, comme l'a reconnu le Secrétaire général des Nations unies lors du Sommet de La Havane, le G77 a été fondé il y a six décennies pour remédier à des siècles d'injustice et de négligence, et dans le monde tourmenté d'aujourd'hui, ses membres sont pris dans un enchevêtrement de crises mondiales, où la pauvreté s'accroît et où la faim est de plus en plus grande.
Nous nous sommes unis face à la nécessité de changer ce qui n'a pas été résolu et par notre statut de principales victimes de la crise mondiale multidimensionnelle actuelle, de l'échange abusif et inégal, du fossé scientifique et technologique et de la dégradation de l'environnement.
Mais nous sommes également unis, depuis plus d'un demi-siècle, par le défi incontournable et la détermination à transformer l'ordre international actuel qui, en plus d'être exclusif et irrationnel, est insoutenable pour la planète et non viable pour le bien-être de tous.
Nous, les pays représentés au sein du G77 et la Chine, où vit 80% de la population mondiale, avons non seulement le défi du développement, mais aussi la responsabilité de changer les structures qui nous marginalisent du progrès mondial et transforment de nombreux peuples du Sud en laboratoires pour de nouvelles formes de domination.  Il est urgent d'établir un nouveau contrat mondial plus équitable.

Monsieur le Président,

À sept ans seulement de l'échéance fixée pour la réalisation du prometteur Programme 2030, les perspectives sont décourageantes. Cette auguste institution l'a déjà reconnu : au rythme actuel, aucun des 17 Objectifs de développement durable ne sera accompli, et plus de la moitié des 169 cibles convenues ne seront pas atteintes.
En plein 21e siècle, il est inacceptable que près de 800 millions de personnes souffrent de la faim sur une planète qui produit suffisamment pour nourrir tout le monde. Ou qu'à l'ère du savoir et du développement accéléré des technologies de l'information et des communications, plus de 760 millions de personnes, dont deux tiers de femmes, ne sachent ni lire ni écrire.
Les efforts réalisés par les pays en développement sont insuffisants à mettre en œuvre le Programme 2030.  Ils doivent être soutenus par des actions concrètes en matière d'accès aux marchés, aux financements équitables et préférentiels, au transfert de technologies et à la coopération Nord-Sud.
Nous ne demandons pas l'aumône ni ne mendions des faveurs. Le G77 revendique des droits et continuera de revendiquer une transformation profonde de l'architecture financière internationale actuelle, parce qu'elle est profondément injuste, anachronique et dysfonctionnelle ; parce qu'elle a été conçue pour tirer profit des réserves du Sud, perpétuer un système de domination qui accroît le sous-développement et reproduit un modèle de colonialisme moderne.

Nous avons besoin et nous demandons des institutions financières dans lesquelles nos pays auront une réelle capacité de décision et d'accès au financement.
Une recapitalisation des banques multilatérales de développement est urgente pour améliorer radicalement leurs conditions de prêt et répondre aux besoins financiers du Sud.
Les pays de ce Groupe ont dû engager 379 milliards de dollars de leurs réserves pour défendre leur monnaie en 2022, soit près du double du montant des nouveaux Droits de tirage spéciaux qui leur ont été alloués par le Fonds monétaire international.
Il est indispensable de rationaliser, réviser et modifier le rôle des agences de notation des crédits. Il est également impératif d'établir des critères allant au-delà du produit intérieur brut pour définir l'accès des pays en développement aux financements à des conditions favorables et à la coopération technique appropriée.
Alors que les pays les plus riches ne respectent pas leur engagement d'allouer au moins 0,7 % de leur produit national brut à l'Aide publique au développement, les nations du Sud doivent consacrer jusqu'à 14 % de leurs revenus au paiement des intérêts associés à la dette extérieure.
La plupart des pays du G77 sont contraints de consacrer davantage de ressources au service de la dette qu’aux investissements dans la santé ou l'éducation. Quel développement durable peut-il être atteint avec une telle corde autour du cou ?
Le Groupe réitère aujourd'hui son appel aux créanciers publics, multilatéraux et privés à refinancer la dette par le biais de garanties de crédit, des taux d'intérêt plus bas et d’échéances plus longues.
Nous insistons sur la mise en œuvre d'un mécanisme multilatéral de renégociation de la dette souveraine avec la participation effective des pays du Sud, permettant un traitement juste, équilibré et axé sur le développement.
Il est impératif de repenser les instruments de la dette une fois pour toutes et d'inclure des clauses de déclenchement afin d’apporter un allègement et une restructuration dès qu'un pays sera frappé par des catastrophes naturelles ou des chocs macroéconomiques, des problèmes qui sont si fréquents dans les nations les plus vulnérables.

Monsieur le Président,

Personne de sensé ne conteste désormais que le changement climatique menace la survie de tous, avec des effets irréversibles.
Ce n'est pas un secret non plus que ceux qui ont le moins d'influence sur la crise climatique sont ceux qui souffrent le plus de ses effets, en particulier les petits États insulaires en développement (PEID), alors que les pays industrialisés, prédateurs voraces des ressources et de l'environnement, se dérobent à leur plus grande responsabilité et ne respectent pas leurs engagements au titre de la Convention-cadre sur les changements climatiques et de l'Accord de Paris.
Pour ne citer qu'un exemple, il est profondément décevant que l'objectif de mobiliser pas moins de 100 milliards de dollars par an d'ici 2020 au titre du financement climatique n'ait jamais été respecté.
Dans la perspective de la 28e Conférence des États parties à la Convention-Cadre (COP28), les pays du Groupe des 77 donneront la priorité à l'exercice du Bilan mondial, à l'opérationnalisation du Fonds pour les pertes et les dommages, à la définition du cadre de l'Objectif d'adaptation et à la définition d'un nouvel objectif de financement climatique, dans le plein respect du principe des responsabilités communes, mais différenciées.
Le G77 appelle à un Sommet des dirigeants du Sud, qui se tiendra le 2 décembre, dans le cadre de la COP28 à Dubaï.  Cette initiative, sans précédent dans le cadre d'une Conférence des Parties, sera un espace pour articuler les positions de notre Groupe au plus haut niveau dans le contexte des négociations sur le climat.
La COP28 démontrera ainsi, au-delà des discours, qu'il existe une réelle volonté politique de la part des nations développées de conclure les accords impératifs dont on a besoin en la matière si elle agit dans ce sens.
Monsieur le Président,
Pour le G77, il est prioritaire de changer une fois pour toutes les paradigmes de la science, de la technologie et de l'innovation, qui se limitent aux environnements et aux perspectives du Nord, ce qui revient à priver la communauté scientifique internationale d'un capital intellectuel considérable.
Le Sommet réussi de La Havane a lancé un appel urgent à réunir la science, la technologie et l'innovation autour de l'incontournable objectif du développement durable.
Nous y avons décidé de reprendre les travaux du Consortium pour la science, la technologie et l'innovation pour le Sud, afin de promouvoir des projets de recherche conjoints et d'encourager des enchaînements productifs qui réduiraient la dépendance à l'égard des marchés du Nord.
Nous avons également convenu de promouvoir la convocation, pour 2025, d'une Réunion de haut niveau de l'Assemblée générale des Nations unies sur la science, la technologie et l'innovation au service du développement.
Les 17 projets de coopération que Cuba a mis en place dans le cadre de sa présidence du G77 contribueront à canaliser et à trianguler les potentialités de la coopération Sud-Sud.  Nous exhortons les pays les plus riches et les organisations internationales à participer à ces initiatives.
Cuba ne relâchera pas ses efforts pour stimuler le potentiel créatif, l'influence et le leadership du G77. Notre groupe a beaucoup à apporter au multilatéralisme, à la stabilité, à la justice et à la rationalité dont le monde a besoin aujourd'hui.

Excellences,

Il faut ajouter, à tous les problèmes et défis qui caractérisent la réalité de nos nations et mobilisent les peuples, les mesures coercitives unilatérales, appelées par euphémisme sanctions, qui sont devenues la pratique d’États puissants qui prétendent agir en tant que juges universels pour affaiblir et détruire des économies et isoler et soumettre des États souverains.
Cuba n'est pas le premier État souverain contre lequel de telles mesures ont été lancées, mais c'est celui qui les a endurées le plus longtemps, malgré la condamnation mondiale qui s’exprime presque unanimement chaque année à cette Assemblée. Une condamnation  non respectée et ignorée par le gouvernement de la plus grande puissance économique, financière et militaire du monde.
Nous n'avons pas été les premiers et nous ne sommes pas les derniers.  Les pressions exercées pour isoler et affaiblir les économies et des États souverains frappent aujourd'hui également le Venezuela et le Nicaragua et, avant et après, elles ont été le prélude à des invasions et à des renversements de gouvernements « gênants » au Moyen-Orient.
Nous rejetons les mesures coercitives unilatérales imposées à des pays tels que le Zimbabwe, la Syrie, la République populaire démocratique de Corée et l'Iran, parmi de nombreux autres pays dont les peuples subissent l'impact négatif de ces mesures.
Nous réitérons notre solidarité avec la cause du peuple palestinien.
Nous soutenons le droit à l'autodétermination du peuple sahraoui.
Luttons pour un monde de paix sans guerre ni conflit !
Voilà cinq ans, j'ai pris la parole pour la première fois depuis cette tribune, où s'étaient tenus avant moi le leader historique de la Révolution cubaine, le commandant en chef Fidel Castro Ruz, et le général d'armée Raul Castro Ruz, pour exposer ces vérités et les idéaux de paix et de justice d'un petit archipel qui a résisté et résistera à la hauteur de la dignité, du courage et de la fermeté inébranlable de son peuple et de son histoire.
Mais je ne peux pas me présenter à cette tribune mondiale sans dénoncer, une fois de plus, le fait que depuis 60 ans, Cuba souffre d'un blocus économique étouffant, conçu pour réduire ses revenus et son niveau de vie, souffrir de pénuries permanentes d'aliments, de médicaments et d'autres produits de base, et limiter son potentiel de développement.
Tels sont la nature et les objectifs de la politique de coercition économique et de pression maximale appliquée par le gouvernement des États-Unis contre Cuba, en violation du Droit international et de la Charte des Nations unies.
Il n'y a pas une seule mesure ou action de Cuba visant à nuire aux États-Unis, à porter préjudice à son secteur économique, son activité commerciale ou son tissu social.
Il n’y a pas un seul acte de Cuba qui menace l'indépendance des États-Unis, leur sécurité nationale, qui porte atteinte à leurs droits souverains, qui s'immisce dans leurs affaires intérieures ou qui affecte le bien-être de leur population.  La conduite des États-Unis est absolument unilatérale et injustifiée.
Le peuple cubain résiste et surmonte chaque jour, avec créativité, cette guerre économique impitoyable qui, depuis 2019, en pleine pandémie, est opportunément passée à une dimension encore plus extrême, cruelle et inhumaine. Les dommages sont brutaux !
Le gouvernement des États-Unis a fait pression sur des entreprises pour qu'elles ne fournissent pas l'oxygène médical et les respirateurs pulmonaires dont Cuba avait besoin pour faire face au pic pandémique.
Nos scientifiques cubains ont créé les vaccins et développé les respirateurs pulmonaires qui ont sauvé le pays et que nous avons mis à la disposition d'autres pays dans le monde ! 
Avec malveillance et une précision chirurgicale, Washington et la Floride ont calculé comment infliger le plus grand dommage possible aux familles cubaines.
Les États-Unis cherchent et ont tenté d'empêcher l'approvisionnement de notre pays en carburant et en lubrifiants, une action qui semblerait impensable en temps de paix.
Dans un monde globalisé, il est non seulement absurde, mais criminel, d'interdire l'accès à des technologies, y compris des équipements médicaux, qui contiennent plus de 10 % de composants étasuniens.
Il est honteux d'agir contre la coopération médicale fournie par Cuba dans de nombreux pays. Ils vont même jusqu'à menacer ouvertement des gouvernements souverains pour avoir demandé cette contribution afin de répondre aux besoins de santé publique de leurs populations.
Les États-Unis privent leurs citoyens du droit de se rendre à Cuba, au mépris de leur propre Constitution.
Le durcissement du blocus a un impact sur les flux migratoires importants enregistrés dans notre pays ces dernières années, ce qui suppose un coût douloureux pour les familles cubaines et des conséquences démographiques et économiques négatives pour la nation.
Le gouvernement des États-Unis ment et porte un énorme préjudice aux efforts internationaux de lutte contre le terrorisme lorsqu'il accuse Cuba, sans aucun fondement, de parrainer ce fléau.
Sous le couvert de cette accusation arbitraire et frauduleuse, ils extorquent des centaines d'institutions bancaires et financières dans le monde entier et les obligent de faire le choix entre la poursuite de leurs relations avec les États-Unis et le maintien de leurs liens avec Cuba.
Notre pays subit un véritable siège, une guerre économique extraterritoriale, cruelle et silencieuse.  Elle s'accompagne d'une puissante machine politique de déstabilisation, dotée de millions de dollars de fonds approuvés par le Congrès des États-Unis, dans le but de tirer parti des pénuries causées par le blocus po ursaper l'ordre constitutionnel du pays et la tranquillité citoyenne.
En dépit de l'hostilité de son gouvernement, nous continuerons à construire des ponts avec le peuple des États-Unis, comme nous le faisons avec tous les peuples du monde.
Nous renforcerons de plus en plus les liens avec l'émigration cubaine dans tous les coins de la planète.

Monsieur le Président,

La promotion et la protection des droits de l'Homme est un idéal commun qui exige un véritable esprit de respect et un dialogue constructif entre les États.
Malheureusement, 75 ans après l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'Homme, la réalité est bien différente. Cette question est devenue une arme politique des nations puissantes qui cherchent à soumettre les nations indépendantes, principalement du Sud, à leurs desseins géopolitiques.
Aucun pays n'est à l'abri des défis, de même qu'aucun pays ne détient l’autorité de se considérer comme un paradigme en matière de droits de l'Homme et de stigmatiser d'autres modèles, d'autres cultures ou d'autres États souverains.
Nous défendons le dialogue et la coopération en tant que moyens efficaces de promotion et de protection des droits de l'Homme, sans politisation ni sélectivité, sans application de doubles standards, de conditionnements ou de pressions.
C'est dans cet esprit que Cuba a présenté sa candidature au Conseil des Droits de l'Homme pour la période 2024-2026, lors des élections qui auront lieu le 10 octobre. Nous remercions par avance la confiance des pays qui nous ont déjà apporté leur précieux soutien.
Si elle est élue, la voix de Cuba continuera à s'élever avec une vision universelle, toujours à partir du Sud, en faveur des intérêts légitimes des pays en développement, avec un engagement constructif et la responsabilité inébranlable envers la pleine réalisation de tous les droits humains pour tous.
Cuba continuera à renforcer sa démocratie et son modèle socialiste qui, bien qu'assiégé, a montré tout ce que peut réaliser un petit pays en développement, doté de peu de richesses naturelles.
Nous poursuivrons notre processus de transformation en cherchant des solutions au siège que nous impose l'impérialisme étasunien afin de parvenir à la prospérité et à la justice sociale que notre peuple mérite.
Dans cet effort, nous ne renoncerons jamais au droit de nous défendre !

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les chefs de délégation et autres représentants,
Je conclus en vous invitant tous à travailler pour surmonter les différences et relever ensemble les défis communs, avec un sentiment d'urgence.  À cette fin, les Nations unies et cette Assemblée générale, y compris avec leurs limitations, sont l'instrument le plus puissant à notre disposition.
Vous pourrez toujours compter sur Cuba pour défendre le multilatéralisme et promouvoir ensemble la paix et le développement durable pour tous !
Ce sera toujours un honneur de lutter pour la justice, en partageant les difficultés et les défis avec les peuples du Sud, prêts à changer l'histoire ! Et nous vaincrons !
Je vous remercie (Applaudissements).
 

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